CRIMES INTERNATIONAUX
« Il s'agit de crimes qui sont à compter parmi les plus
graves jugés par un juge
pénal néerlandais depuis la Deuxième Guerre mondiale. »
(Arrêt de la Cour d’appel de La Haye dans l’affaire
Joseph M., 2011)
Crimes de guerre, génocide, crimes contre l’humanité et
torture, voilà des
crimes internationaux de la pire espèce. Les autorités
neerlandaises estiment
que ces crimes doivent être instruits et que ceux qui
s’en rendent coupables
doivent être punis. L’Équipe des crimes internationaux
(Team Internationale
Misdrijven – TIM), opérant sous la houlette de la
Division centrale de police
judiciaire (DLR) et en étroite collaboration avec le
Parquet national, enquête sur
les crimes internationaux commis par ou contre des
personnes de nationalité
néerlandaise ou des personnes résidant sur le territoire
des Pays-Bas.
1 Quels sont les crimes internationaux ?
Le terme « crimes internationaux » englobe un certain
nombre de graves violations du
droit international : génocide, crimes de
guerre, crimes contre l’humanité et
torture. L’esclavage, les
détournements d’avion et la piraterie revêtent certes un
caractère international, mais ne sont pas considérés
comme des crimes
internationaux.
1.1 Génocide
Dans le système légal pénal des Pays-Bas, le génocide est
défini dans la Loi sur les
crimes internationaux. Son article 3 dispose qu’est
coupable de génocide :
quiconque, dans l’intention d’exterminer en tant que tel
un groupe national, ethnique
ou religieux, ou un groupe appartenant à un race
déterminé :
a. tue des membres du groupe ;
b. inflige des lésions physiques ou mentales graves à des
membres du groupe ;
c. impose délibérément au groupe des conditions de vie
tendant vers son
extermination physique totale ou partielle ;
d. prend des mesures ayant pour but d’empêcher des
naissances au sein du
groupe ; ou
e. pratique le transfert forcé d’enfants du groupe vers
un autre groupe.
Pour qu’il y ait question de génocide, il est donc requis
que les crimes aient été
commis dans l’intention d’exterminer un groupe déterminé.
Dans l’histoire récente, plusieurs pays sont devenus la
proie de génocide. Entre eux, le
Rwanda se situe au premier rang. En 1994, en l’espace de
moins de cent jours, des
militaires du gouvernement et des miliciens hutus ont tué
quelque 800 000 tutsis et
hutus modéres. Étant donné que leur but était
l’extermination de l’ethnie tutsie, il s’agit
d’un cas de génocide. Les Pays-Bas eux-mêmes ont connu le
génocide lors de la
Deuxième Guerre mondiale.
À titre d’exemple d’affaires pénales néerlandaises dans
lesquelles il y avait question
de suspicions de (participation à) un crime de génocide,
on peut citer les affaires
contre Frans van A. (Irak) et Yvonne B. (Rwanda).
1.2 Crimes de guerre
Les crimes de guerre sont des violations des « lois et
usages de guerre ». Ces « lois et
usages » définissent la manière à laquelle on peut se
servir de violence en temps de
guerre (« conflit armé »). Ces règles visent à protéger
les personnes non impliquées
dans la guerre. Dans le système légal néerlandais, ces
règles sont consignées dans la
Loi sur le droit pénal en temps de guerre (pour ce qui
est des crimes de guerre commis
avant 2003 ou ceux commis dans une guerre dans laquelle
les Pays-Bas étaient
partie) et dans les articles 5 à 7 de la Loi sur les
crimes internationaux. Le terme crime
de guerre comprend notamment le pillage, le viol et la
mise à mort de civils et de
prisionniers de guerre sans autre forme de procès commis
en temps de guerre.
L’histoire de l’humanité compte une multitude de guerres,
dont certaines ne sont
même pas terminées. Ainsi, la guerre a ravagé la
Bosnie-Herzégovine et l’Afghanistan.
Un exemple d’une affaire pénale néerlandaise dans
laquelle il y avait question de
suspicions de (participation à des) crimes de guerre est
l’affaire contre Habibullah J.
(Afghanistan).
1.3 Crimes contre l’humanité
L’article 4 de la Loi sur les crimes internationaux
définit les crimes contre l’humanité. Il
s’agit de crimes commis dans le cadre d’une attaque
étendue et systématiqe visant la
population civile. Le terme crime contre l’humanité
comprend notamment la
déportation ou le transfert forcé de population, la
torture, l’esclavage, le viol, la
prostitution forcée ou toute autre forme de violence
sexuelle ou d’homicide.
Dans le système pénal néerlandais, ce crime en tant que
tel ne constitue un fait
punissable que depuis l’adoption de la Loi sur les crimes
internationaux, en octobre
2003. Cela explique pourquoi, aux Pays-Bas, seuls les
crimes contre l’humanité
commis après le 1er octobre 2003 peuvent faire l’objet de
poursuites pénales.
Un exemple concret de crimes contre l’humanité est le
système d’apartheid pratiqué
par le gouvernement sud-africain entre 1948 et 1990. Aux
Pays-Bas, aucune affaire de
crime contre l’humanité n’a été portée devant les
tribunaux jusqu’à ce jour.
1.4 Torture
Dans le système légal néerlandais, la torture est définie
dans la Loi de mise en oeuvre
de la Convention contre la torture (pour ce qui est des
crimes de torture commis entre
1989 et 2003) et dans les articles 1 et 8 de la Loi sur
les crimes internationaux (pour ce
qui est des crimes de torture commis après le 1er octobre
2003).
La torture est – en résumé – l’infliction de douleurs
aiguës physiques ou mentales.
L’auteur doit avoir un but spécifique, par exemple
obtenir un aveu, discriminer la
victime ou lui faire peur. La loi néerlandaise traite
différemment les actes de tortures
infligés par un fonctionnaire (ou avec l’autorisation
d’un fonctionnaire) et les autres.
Plusieurs affaires pénales dans lesquelles des suspicions
de torture ont joué un rôle
ont été portées devant les tribunaux néerlandais,
notamment l’affaire contre Sébastian
N. (Congo) et celle contre Hesamuddin H. (Afghanistan).
1.5 Disparition forcée
Depuis 2011, le crime de disparition forcée est pénalisé
aux termes des articles 4 et 8a
de la Loi sur les crimes internationaux. Ces articles
définissent le crime de disparition
forcée comme :
l’arrestation, l’emprisonnement, la déportation ou toute
autre forme de privation de la
liberté d’une personne par ou avec l’autorisation, le
soutien ou le consentement d’un
État ou d’une organisation politique, suivi du refus de
reconnaître ladite privation de
liberté ou du refus de fournir des renseignements sur le
sort ou le lieu de résidence de
ladite personne ou de la dissimulation du sort ou du lieu
de résidence de ladite
personne, laquelle de ce fait se trouve privée de la
protection de la loi.
Aux Pays-Bas, aucune affaire concernant ce type de crimes
contre l’humanité n’a été
portée devant les tribunaux jusqu’à ce jour.
2. Que fait l’Équipe des crimes internationaux et
pourquoi ?
Les crimes internationaux sont des crimes de la pire
espèce. Les auteurs de crimes
internationaux doivent être recherchés et jugés où qu’ils
se trouvent et quelle que soit
leur nationalité. Aux Pays-Bas, nous voulons éviter que
les victimes de crimes
internationaux qui se sont installées dans notre pays en
tant que réfugiés risquent d’y
être confrontées aux criminels devant qui ils se sont
fuis. C’est dans le but de
rechercher et poursuivre les auteurs de ces crimes que
l’Équipe des crimes
internationaux (TIM) a été créée.
Recherche et poursuite :
De concert avec le Parquet national du Ministère public,
l’Équipe des crimes
internationaux est responsable de la recherche et la
poursuite de ceux qui se sont
rendus coupables de génocide, de crimes de guerre, de
torture ou de crimes contre
l’humanité. Les suspects sont potentiellement des
personnes résidant aux Pays-Bas,
des personnes de nationalité néerlandaise ou des
personnes ayant commis des
crimes à l’encontre de quelqu’un de nationalité
néerlandaise. L’équipe est une unité de
la Division centrale de Police judiciaire. Des enquêtes
ont été menées sur des
Afghans, des Néerlandais et des Rwandais, entre autres.
Extradition à d’autres pays :
Les suspects peuvent faire l’objet non seulement de
recherches et de poursuites
judiciaires, mais aussi d’extradition. Des personnes
résidant aux Pays-Bas peuvent
donc être extradées vers un autre pays afin d’y être
jugées et d’y purger leur peine.
Ainsi, en 2010, le Néerlandais Senad A. a été extradé par
les Pays-Bas vers la Bosnie-
Herzégovine, où, en 2011, il a été condamné à une peine
de prison de huit ans pour
son implication dans des crimes de guerre commis en
Bosnie-Herzégovine en 1993.
Remise aux tribunaux internationaux :
Les personnes résidant aux Pays-Bas et étant recherchées
par l’un des tribunaux
internationaux peuvent être arrêtées par nous en vue de
leur remise au tribunal en
question. Des exemples récents d’une telle remise sont
les cas de Simon B. et
d’Ephrem S, qui ont été arrêtés aux Pays-Bas puis remis
au Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR), qui les a condamnés
à une peine de prison.
Transfert d’une affaire pénale :
Lorsqu’il ressort des recherches entreprises par nous que
le suspect en question
réside à l’étranger, nous pouvons transférer les
informations recueillies, le dossier et
même les poursuites au pays où le suspect se trouve.
3 Quand l’Équipe des crimes internationaux a-t-elle été
créée ?
Suite à la constitution du Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) en
1994, l’Équipe nationale d’enquête sur les crimes de
guerre yougoslaves (NOJO-team)
a été créée aux Pays-Bas. Rebaptisée Équipe nationale
d’enquête sur les crimes de
guerre (NOVO-team) en 1998, elle a étendu ses
attributions à des pays autres que
l’ex-Yougoslavie. Les deux équipes étaient dirigées par
l’Équipe pour la loi sur le droit
pénal en temps de guerre (WOS-team), du Ministère public
d’Arnhem. Le 1er
septembre 2002, le parquet d’Arnhem a cédé l’autorité sur
la NOVO-team au Parquet
national à Rotterdam. En 2003, la NOVO-team est devenu
l’Équipe des crimes
internationaux, opérant sous la houlette de la Division
centrale de police judiciaire.
4 Pourquoi y a-t-il une équipe dédiée spécifiquement aux
crimes
internationaux ?
La recherche et poursuite de personnes qui se sont
rendues coupables de génocide,
de crimes de guerre, de torture ou de crimes contre
l’humanité est très complexe. Il
s’agit souvent d’affaires pouvant être qualifiées de «
dossiers non résolus d’intérêt
mondial ». La plupart des crimes ont été commis dans un
passé lointain et dans un
pays étranger se trouvant en état de guerre. Voilà ce qui
explique le besoin de créer
une équipe dédiée spécifiquement à la complexité des
crimes internationaux.
Une bonne partie des recherches se déroule hors des
frontières du territoire national,
souvent dans un pays ravagé par la guerre. Trouver des
preuves est compliqué,
beaucoup de documents et de données médico-légales,
notamment les traces ADN,
se perdant avec le temps. C’est pourquoi les témoignages
jouent un rôle important
dans les investigations. La première priorité est de
retrouver ces témoins, qui vivent
souvent disséminés aux quatre coins du monde. Ensuite, il
importe qu’ils se sentent
suffisamment en sécurité pour ouvrir leur coeur. Une
difficulté supplémentaire réside
en le fait que les événements relatés par eux remontent à
un passé lointain.
5 Avec qui l’Équipe des crimes internationaux
collabore-t-elle ?
Dans un souci d’éviter que les Pays-Bas ne se
transforment en un refuge pour les
auteurs de crimes internationaux, l’Équipe des crimes
internationaux et le Parquet
national collaborent avec d’autres organisations.
Service d’immigration et de naturalisation (IND) :
Les étrangers désireux d’être admis sur le territoire des
Pays-Bas sont invités à
présenter leurs antécédents et à raconter leur vie au
Service d’immigration et de
naturalisation. Lorsqu’il y a lieu de soupçonner que la
personne en question a été
impliquée dans la commission de crimes, son dossier sera
transféré à un département
spécial du Service d’immigration et de naturalisation,
qui l’examinera et décidera si son
cas relève des dispositions de l’article 1F de la
Convention relative au statut des
réfugiés. Dans l’affirmative, le permis de séjour lui
sera refusé. Lorsque la personne
est soupçonnée d’avoir commis un crime international, le
Service d’immigration et de
naturalisation avertit le Parquet national.
Ministère de la Sécurité et de la Justice
Les enquêtes portant sur des crimes internationaux
réclament souvent des
investigations dans un pays étranger, notamment
l’audition de témoins. Sous forme
d’une demande d’entraide judiciaire, le ministère de la
Sécurité et de la Justice
sollicitera, au nom du Parquet national, l’autorisation
requise auprès des autorités du
pays étranger. Ce ministère veille en outre à ce que la
législation néerlandaise soit
adaptée afin de permettre une attaque efficace des crimes
internationaux et il
contribue – de concert avec le ministère des Affaires
étrangères – au renforcement du
secteur de la Justice dans d’autres pays.
Ministère des Affaires étrangères
Le ministère des Affaires étrangères prête assistance
pour nouer des contacts avec
l’étranger et il soutient les demandes d’entraide
judiciaire. Il est en outre impliqué dans
l’appréciation des demandes de visa reçues par les
ambassades néerlandaises à
l’étranger. De concert avec le ministère de la Sécurité
et de la Justice, il contribue au
renforcement du secteur de la Justice dans d’autres pays.
Service du rapatrièment et du départ (DT&V)
Le Service de retour et départ est une organisation
exécutive du ministère de l’Intérieur
et des Relations au sein du Royaume. Il organise le
départ effectif d’étrangers sans
titre de séjour pour les Pays-Bas.
Partenaires étrangers
Le Parquet national et l’Équipe des crimes internationaux
collaborent avec des
partenaires étrangers. Le contact avec les collègues
étrangers permet d’échanger des
connaissances et des expériences. Ils collaborent
également avec les tribunaux
internationaux, notamment le Tribunal pénal international
pour l’ex-Yougoslavie (TPIY),
le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le
Tribunal spécial pour le Sierra
Leone (TSSL) et la Cour pénale internationale (CPI). Les
tribunaux ad hoc disposent
d’une compétence spécifique pour un conflit, un pays
et/ou une période déterminé.
Quant à la Cour pénale internationale de La Haye, elle se
concentre sur des individus
que le pays en question ne peut ou ne veut pas juger. Les
tribunaux et la Cour pénale
disposent en outre de leurs propres équipes de recherche
qui effectuent des
investigations de la part du procureur.
6. Le Guichet accueillant les témoins : crimes
internationaux, signalez-les !
Crimes internationaux, signalez-les !
Les expériences que vous avez vécues dans votre pays
d’origine peuvent être de la
plus haute importance pour nous. Possiblement vous
connaissez des auteurs ou des
victimes de crimes internationaux qui se trouvent
actuellement aux Pays-Bas. Ces
informations peuvent présenter un grand intérêt pour
nous.
Vous connaissez quelqu’un qui a commis des crimes
internationaux ?
Et vous vous demandez que faire de ce savoir ? Sachez que
l’Équipe des crimes
internationaux (TIM), pour le compte du Ministère public,
enquête sur les crimes de
guerre, les génocides, les tortures et les crimes contre
l’humanité. Si l’auteur se trouve
sur le territoire des Pays-Bas, une enquête peut être
ouvert à son encontre. Mais
même s’il s’est enfui dans un autre pays, cette
information risque de nous être utile.
Ces dernières années, nous avons mené des investigations
au Rwanda, en
Afghanistan, en ex-Yougoslavie, au Sierra Leone, au
Liberia et au Congo, entre
autres. Plusieurs criminels de guerre, génocidaires et
tortionnaires ont déjà été
condamnés à une peine de prison par un tribunal
néerlandais.
Pourquoi l’Équipe des crimes internationaux (TIM) veut-elle
que vous lisiez ceci ?
Les renseignements fournis par vous peuvent nous aider à
localiser les auteurs de
crimes internationaux. Vous disposez peut-être
d’informations sur des Néerlandais
impliqués dans des guerres. Ou vous êtes peut-être
vous-même victime d’un crime
international. En toute hypothèse, nous vous prions de
nous contacter sans aucun
engagement de votre part. Il va sans dire que notre
équipe de recherche garantit la
confidentialité de vos renseignements.
7. Quelles affaires ont été portées devant les tribunaux
?
Depuis 1996, plusieurs affaires impliquant des personnes
suspectées d’avoir commis
des crimes internationaux ont été portées devant les
tribunaux néerlandais. Il s’agissait
de suspects originaires de différents pays. Veuillez lire
ci-après une exposition des
affaires pénales ventilées par pays et précédée d’une
brève historique du conflit en
question.
Afghanistan
Historique
Le 27 avril 1978, un certain nombre d’officiers de gauche
se révoltent et commettent
un coup d’État. Le président de la République
d’Afghanistan de l’époque, M. Daoud,
est tué et la Révolution de Saur déclenche une lutte
armée entre le régime
communiste nouvellement installé, qui contrôle la
capitale Kaboul et quelques grandes
villes, et le nombre toujours croissant de groupes de
résistance, qui maîtrisent les
autres parties du pays. Les troupes soviétiques, des
militaires afghans partisans du
gouvernement et des unités paramilitaires combattent les
mouvements de résistance,
dont plusieurs sont d’orientation islamiste. Des milliers
de (supposés) opposants du
régime communiste sont arrêtés, torturés et assassinés.
Trois affaires concernant des crimes commis par des
collaborateurs du service de
renseignements militaire afghan KhaD-e-Nezami ont été
portées devant les tribunaux
néerlandais.
Hesamuddin H.
« (…) Souvent on m’obligeait de rester courbé pendant
longtemps ou de me tenir
debout sur une jambe, les mains contre le mur. Il m’est
même arrivé une fois que cela
durait quarante jours. (…) Les pires sévices que j’ai
subis, c’est quand on a mis mon
corps sous tension. À plusieurs reprises, on m’a
introduit des fils d’électricité dans la
bouche puis on a ouvert le circuit. (…) Le pire que j’ai
vécu, c’est quand on a mis mes
parties génitales sous tension. Cela faisait terriblement
mal. En novembre-décembre,
les mois les plus froids en Afghanistan, on m’a obligé de
rester dehors dans la neige, à
poil, du crépuscule jusqu’à l’aube (…) »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Hesamuddin H.)
À l’époque du régime communiste, H. était un haut général
de l’armée afghane. Il était
chef du service de renseignements militaire KhaD-e-Nezami
et ministre délégué à la
Sécurité d’État. En 1992, H. demande l’asile aux
Pays-Bas, qui lui est refusé sur pied
de l’article 1F de la Convention relative au statut des
réfugiés. Selon certaines
indications, H. se serait rendu coupable de torture et de
crimes de guerre. En 2003,
une autre enquête pénale révèle d’autres informations le
mettant en cause. Une
enquête pénale est ouverte à son encontre et, le 27
novembre 2004, il est arrêté à
Boskoop. Finalement H. est condamné par la Cour d’appel
de La Haye à une peine de
prison de douze ans pour torture et le crime de guerre
torture, condamnation
confirmée par la Cour suprême en 2008.
Décisions judiciaires :
• Tribunal de La Haye, 14 octobre 2005, LJN AU4347
• Cour d’appel de La Haye, 29 janvier 2007, LJN AZ7143
• Cour suprême, 8 juillet 2008, LJN BC7418
Habibullah J.
« (…) On me torturait de midi jusqu’à onze heures du
soir. On m’administrait de
l’électricité et on m’assenait des coups à l’aide de
toutes sortes d’objets, dont des
bâtons et des rameaux. (…) Je ne suis plus capable de
retenir mon urine à cause des
supplices appliqués sur mes reins et d’autres supplices.
À part cela, je souffre
gravement des nerfs. Je suis très stressé et tendu (…) »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Habibullah J.)
J. était le chef du département des interrogatoires du
service des renseignements
militaire KhaD-e-Nezami et il était un subordonné de H.,
précité, dans la période de
1979 à 1989. En 1996, il demande l’asile aux Pays-Bas,
qui lui est refusé sur pied de
l’article 1F de la Convention relative au statut des
réfugiés. Selon certaines indications,
J. se serait rendu coupable de crimes de guerre. Une
enquête pénale est ouverte et,
en 2004, J. est arrêté suspect de crimes de guerre. En
2007, il est condamné par la
Cour d’appel de La Haye à une peine de neuf ans de prison
pour le crime de guerre
torture, condamnation confirmée par la Cour suprême en
2008.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye,14 octobre 2005, LJN AU4373
2 Cour d’appel de La Haye, 29 janvier 2007, LJN AZ7147
3 Cour suprême, 8 juillet 2008, LJN BC7421
Abdullah F.
F. était le directeur de la division 2 du département des
affaires militaires du KhaD-e-
Nezami. Plus tard, il a été nommé gouverneur de la
province de Kunduz. En 1994, il
demande l’asile aux Pays-Bas, qui lui est refusé sur pied
de l’article 1F de la
Convention relative au statut des réfugiés. Selon
certaines indications, il se serait
rendu coupable de torture pratiquée contre des
prisonniers et d’avoir permis la torture
pratiquée par ses subalternes. Arrêté en 2006, F. est
acquitté par le tribunal de
l’accusation de torture ainsi que de sa responsabilité en
tant que supérieur de la
torture pratiquée par ses subalternes. En appel, la Cour
d’appel de La Haye l’acquitte
elle aussi, décision confirmée par la Cour suprême en
2011.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 25 juin 2007, LJN:BA7877
2 Cour d’appel de La Haye,16 juillet 2009, LJN: BJ2796
3 Cour suprême, 8 novembre 2011, LJN: BR6598
Bosnie-Herzégovine
Historique
Jusqu’en avril 1992, la Bosnie-Herzégovine fait partie de
la République de
Yougoslavie. Suite à un referendum sur l’indépendance, la
guerre civile éclate. Trois
parties s’opposent : Croates bosniens, musulmans bosniens
(bosniaques) et Serbes
bosniens. Durant ce conflit, toutes les parties se
rendent coupables de plusieurs
crimes. En novembre 1995, la signature des Accords de
Dayton met fin au conflit.
Deux affaires concernant des crimes commis en
Bosnie-Herzégovine ont été portées
devant les tribunaux néerlandais.
Darco K.
En l’été de 1992, en tant que membre de la milice
bosno-serbe, K. aurait assassiné
deux musulmans dans les environs de Prijedor, en
Bosnie-Herzégovine. En outre, il
aurait collaboré à des déportations de musulmans vers un
camp de prisonniers et il
aurait commis deux tentatives de viol. En 1996, il y a un
doute sur la question de
savoir si la Loi sur le droit pénal en temps de guerre
s’applique aux crimes commis lors
de guerres dans lesquelles les Pays-Bas ne sont pas
impliqués. En 1997, la Cour
suprême statue que les Pays-Bas disposent de juridiction
universelle en matière de
crimes de guerre. K. ayant quitté les Pays-Bas avant que
la Cour suprême n’ait statué,
il échappe aux poursuites pénales.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal d’Arnhem, 21 février 1996, 05/078505-95
2 Cour suprême, 22 octobre 1996, NJ 1998/462
3 Cour suprême, 11 novembre 1997, NJ 1998/463
Senad A.
Le 13 mars 2007, les Pays-Bas reçoivent une requête
d’extradition de la part de la
Bosnie-Herzégovine concernant Senad A. La
Bosnie-Herzégovine souhaite engager
des poursuites à son encontre pour cause d’implication
dans des crimes de guerre. Il
est suspecté d’avoir assassiné, en tant que membre de la
« Défense populaire de la
Province autonome », un prisonnier de guerre à Velika
Kladusa, en 1993. Le 22 avril
2010, le juge des référés déclare fondée la décision
d’extrader Senad A. à la Bosnie-
Herzégovine. En mai 2011, il est condamné en
Bosnie-Herzégovine à une peine de
prison de huit ans, condamnation confirmée en novembre
2011 par la Haute Cour de
Justice de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
Décisions judiciaires concernant la décision
d’extradition :
1 Tribunal de La Haye, 5 juin 2009, LJN:BI7753
2 Tribunal de La Haye, 22 avril 2010, LJN: BM2047
République démocratique du Congo (RDC)
Historique
Constituée en 1960, la République du Zaïre se retrouve
sous la houlette du président
Mobutu en 1965. Au début des années 1990, la résistance
contre le pouvoir absolu de
Mobutu s’amplifie et des troubles ethniques surgissent,
lesquels s’aggravent suite au
génocide qui ravage le Rwanda voisin. En mai 1997, Mobutu
est destitué et la
République du Zaïre se transforme en République
démocratique du Congo.
Une seule affaire concernant des crimes commis en
République du Zaïre (l’actuel
RDC) a été portée devant un tribunal néerlandais.
Sébastien N.
« La victime a été emmenée par ces gardes du corps
vers le terrain de la Garde civile,
où elle a été enfermée dans une cellule puis
systématiquement torturée durant
plusieurs jours sur ordre du suspect. La victime, presque
complètement dévêtue, a été
battue à l’aide d’une cordelette et servait – selon ses
propres dires – de punching-ball
pour les gardes du corps. Le suspect a regardé le
spectacle depuis son balcon. »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Sébastien N.)
Sébastien N. était commandant de la Garde civile à
l’époque du régime de Mobutu. En
1998, N. demande l’asile aux Pays-Bas, qui lui est refusé
sur pied de l’article 1F de la
Convention relative au statut des réfugiés. Selon
certaines indications, il aurait été
impliqué dans la commission de crimes internationaux.
Après la réception du dossier
1F, une enquête pénale est ouverte à son encontre.
Presque simultanément, une
victime domiciliée aux Pays-Bas porte plainte contre
Sébastien N. pour cause de
torture. La victime reconnaît dans N. le « Roi des bêtes
». Au cours de l’enquête
ouverte suite à cette première plainte, une deuxième
plainte est reçue de la part d’une
femme qui reconnaît N. du temps de sa captivité. Le 26
septembre 2003, N. est arrêté
suspect de torture. Le 7 avril 2004, le Tribunal de
Rotterdam déclare N. coupable
d’être le coauteur d’actes de torture commis en 1996 et
le condamne à une peine de
prison de deux ans et six mois.
Irak
Historique
En 1979, Saddam Hussein prend la direction du parti
politique Baas. La résistance
intérieure est brutalement réprimée. Victimes principales
de l’oppression et des
poursuites, les Kurdes et les chiites se révoltent
ouvertement. Concomitamment à
cette lutte intérieure, Saddam Hussein fait la guerre aux
pays voisins. Entre septembre
1980 et août 1988, l’Irak fait la guerre à l’Iran puis,
le 2 août 1990, il envahit le Koweït
voisin. Durant tout le régime de Saddam Hussein, les
exactions commises par les
autorités causent la mort ou la disparition de plusieurs
milliers de personnes.
Une seule affaire concernant des crimes commis en Irak a
été portée devant un
tribunal néerlandais.
Frans van A.
« En entrant dans la ville de Halabja, j’ai vu
beaucoup de corps. J’ai vu beaucoup de
voitures remplies de corps. (…) J’ai vu que le visage de ma
fille était plein d’ampoules.
Sa peau avait changé de couleur. J’ai vu de l’écume et du
sang qui sortaient de sa
bouche. Ensuite j’ai vu mon père, qui tenait mon fils
dans les bras. Mon père, ma mère
et mes deux enfants étaient tous décédés. (…) Dans les
abris souterrains, j’ai vu des
centaines de corps. (…) En fait, il n’y avait que des
victimes civiles. (…) Mes enfants,
mon père et ma mère avaient la peau rouge et ils avaient
des ampoules rouges, mais
les corps qui gisaient un peu plus loin dans la rue
avaient des brûlures graves et
quelques-uns étaient carbonisés. »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Frans van A.)
Le Néerlandais Frans van A. était impliqué en tant
qu’homme d’affaires dans les
livraisons du produit thiodiglycol (TDG) à l’Irak de Saddam
Hussein. Le TDG livré par
Van A. est un produit qui est utilisé pour la production
de gaz moutarde. Ce gaz a été
utilisé par Saddam Hussein lors de plusieurs attaques
contre la population kurde d’Iran
et d’Irak. L’enquête à l’encontre de Van A. est ouverte
fin 2003 suite à une émission de
télévision sur Van A. Arrêté en décembre 2004, Van A. est
condamné en décembre
2005 à une peine de prison de quinze ans pour complicité
de crimes de guerre, mais il
est acquitté de la complicité de génocide qui lui est
imputée. Augmentée à dix-sept ans
de prison en appel, sa condamnation est maintenue par la
Cour suprême, avec six
mois de déduction.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 23 décembre 2005, LJN AV6353
2 Cour d’appel de La Haye, 9 mai 2007, LJN BA4676
3 Cour suprême, 30 juin 2009, LJN BG 4882
Croatie
Historique
Faisant partie de la République de Yougoslavie, la
Croatie se proclame indépendante
en 1991. Cette proclamation d’indépendance donne
naissance aux premiers combats
entre les troupes croates et l’armée yougoslave. Entre
1992 et mai 1995, les combats
sont acharnés, surtout dans la province croate de
Krajina, où l’armée yougoslave
s’oppose aux Croates.
Une seule affaire concernant des crimes de guerre commis
en Croatie a été portée
devant un tribunal néerlandais.
Ranko Š.
Ranko Š. était président d’arrondissement à Bapska, ville
croate frontalière à la Serbie.
En cette qualité, il a forcé des hommes croates à quitter
la ville. Le 10 décembre 2004,
le Tribunal de Vukovar (Croatie) le condamne par
contumace pour crimes de guerre.
Le 26 mars 2008, la Croatie demande son extradition.
Chargé de l’examen de cette
demande, le Tribunal de Leeuwarden, considérant que Š.
avait été condamné pour
des crimes qui ne constituent pas des faits punissables
aux Pays-Bas, conclut à
l’inadmissibilité de l’extradition pour cause
d’incomplétude du dossier. Le 12 novembre
2008, les autorités croates présentent une nouvelle
demande d’extradition, laquelle
sera elle aussi rejetée, le 22 avril 2009, les circonstances
n’ayant pas changé
entretemps. Le Tribunal estime alors qu’il n’est en outre
pas admissible de rouvrir un
dossier fermé plutôt que d’interjeter appel. Cependant,
le 25 octobre 2011, estimant
que les circonstances avaient bel et bien changé, la Cour
suprême annule le jugement
du tribunal.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de Leeuwarden, 3 septembre 2008
2 Tribunal de Leeuwarden, 22 avril 2009
3 Cour suprême, 25 octobre 2011, LJN BT2515
Libéria
Historique
Situé sur la côte ouest de l’Afrique, le Libéria est la
république la plus ancienne du
continent. Suite à un coup d’État commis en 1980, le pays
devient la proie d’une
guerre civile à la fin des années 80 et au début des
années 90. Après l’intervention
internationale de 1997 qui réinstaure un calme fragile,
Charles Taylor se saisit du
pouvoir. Entre 1999 et 2003, le pays s’enflamme de
nouveau.
Une seule affaire concernant des crimes de guerre commis
au Libéria entre 2001 et
2003 a été portée devant un tribunal néerlandais.
Guus K.
« La société OTC introduisait illégalement des armes
au Liberia. Les armes entraient
par le port de Buchanan. Ensuite, elles étaient
transportées à Monrovia, à la maison
de Charles
Taylor dite White Flower. J’ai été présent
plusieurs fois lors de la répartition
des armes. OTC introduisait ces armes en échange de bois
vendu à prix modique. (…)
Les transports d’armes se faisaient en cachette parce que
la communauté
internationale avaient décrété un embargo sur
l’exportation d’armes vers le Libéria.
C’est le suspect qui introduisait les armes. »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Guus K.)
Le Néerlandais K. était actif comme homme d’affaires dans
l’industrie du bois au
Libéria. En février 2004, suite à la publication dans les
années précédentes de
plusieurs rapports et de reportages sur le trafic d’armes
au Libéria, une enquête est
ouverte à son encontre. Dans ces publications, le nom de
K. est évoqué à plusieurs
reprises. Il est soupçonné d’être impliqué dans le trafic
d’armes international et d’avoir
participé aux crimes de guerre commis par les troupes et
les milices libériennes. En
juin 2006, le tribunal condamne K. pour cause de
violations répétées de la législation
en matière des sanctions, mais l’acquitte de la
participation aux crimes de guerre. La
Cour d’appel de La Haye l’acquitte de tous les chefs
d’accusation mais, suite à
l’annulation de cet arrêt par la Cour suprême, l’affaire
sera renvoyée à la Cour d’appel
de Bois-le-Duc pour réexamen.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 7 juin 2006, LJN AX7098
2 Cour d’appel de La Haye, 10 mars 2008, LJN BC6068
3 Cour suprême, 20 avril 2010, LJN BK8132
Rwanda
Historique
Le 6 avril 1994, lors de la préparation de l’atterrissage
sur l’aéroport de Kigali, l’avion
transportant le président rwandais Juvénal Habyarimana et
son homologue burundais
Cyprien Ntaryamira est abattu. Les deux présidents
périssent. Dans les années
précédentes déjà, plusieurs incidents violents étaient
intervenus entre hutus et tutsis,
les deux principales ethnies du Rwanda. L’abattement de
l’avion présidentiel marque
le début du génocide qui, en moins de trois mois, fait
quelque 800 000 victimes,
majoritairement des tutsis et des hutus modérés. Les
imposantes atrocités sont
ouvertement encouragées par les autorités, notamment au
moyen d’une propagande
de haine diffusée sur les ondes de la chaîne de radio
RTLM. En juillet 1994, le Front
patriotique rwandais (FPR), l’armée tutsie du général
Paul Kagame, met fin au
génocide.
Trois affaires concernant le génocide, les crimes de
guerre et les tortures commis au
Rwanda en 1994 ont été portées devant un tribunal
néerlandais.
Yvonne N.
Arrivée aux Pays-Bas en 1998 dans le cadre d’un
regroupement familial, Yvonne N.
acquiert la nationalité néerlandaise en 2004. Elle est
soupçonnée d’avoir été, entre
1990 et 1994, une extrémiste en vue dans son quartier de
Kigali et d’avoir créé, avec
d’autres extrémistes de son voisinage, une milice qui a
été responsable d’assassinats
et d’autres crimes commis à l’encontre de tutsis et de
hutus modérés. En juin 2010,
Yvonne N. est arrêtée dans son domicile Reuver.
Le 1er mars 2013, le Tribunal de La Haye condamne Yvonne
N. pour incitation au
génocide. Le Tribunal conclut qu’Yvonne N. a recruté des
jeunes défavorisés et les a
incités au génocide des tutsis de son quartier dans
l’intention d’exterminer les tutsis
dans son voisinage. Il estime que l’incitation a
constitué un maillon important dans les
événements qui ont abouti au génocide et lui inflige une
peine de prison de six ans et
huit mois, peine maximale pouvant être infligée pour des
faits de cette nature commis
en 1994. À l’heure actuelle, la peine maximale pour ce
type de crime est de trente ans
de prison. Aucun appel n’a été interjeté contre le
jugement du tribunal.
Décision judiciaire :
1 Tribunal de La Haye, 1er mars 2013, LJN BZ4292
Joseph M.
« Je suis incapable de continuer à parler de ce qui
est arrivé. C’était tellement terrible.
Si je vous raconte ce qui s’est passé, je revis tout. (…)
Ça fait maintenant plus de
douze ans que le génocide a eu lieu. La vie a continué,
mais depuis le génocide, je
n’ai plus jamais été joyeux. J’y repense tous les jours.
Là où je vais et où je connais
des gens, il n’y a plus personne en vie. Je me sens un
prisonnier. Mes amis ne sont
plus là. Mes collègues ne sont plus là, ni mes voisins,
des gens de mon âge. Ils ne
sont plus là. Autrefois nous étions heureux ensemble.
Mais maintenant tout le monde
est mort. »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Joseph M.)
En 1998, Joseph M. demande l’asile aux Pays-Bas, qui lui
est refusé sur pied de
l’article 1F de la Convention relative au statut des
réfugiés. Le Service d’immigration et
de naturalisation le soupçonne d’avoir joué avec son
frère un rôle important dans les
violences commises lors d’un barrage de route dans sa
ville. L’enquête pénale qui est
ouverte révèle que M., qui a suivi une formation
supérieure, a été activement impliqué
dans la commission d’atrocités dans sa région lors du
génocide de 1994. Ainsi il aurait
participé au massacre de plusieurs centaines de personnes
qui s’étaient réfugiées
dans un complexe hospitalier. De même, il aurait été
impliqué dans l’assassinat de
deux mères et de leurs enfants en bas âge qui tentaient
de s’enfuir à bord d’une
ambulance. Le 7 août 2006, M. est arrêté à Amsterdam.
En premier ressort, Joseph M. est condamné à une peine de
prison de vingt ans, peine
augmentée en appel à la réclusion perpétuelle. C’est la
première condamnation à la
réclusion perpétuelle obtenue grâce aux efforts de
l’équipe. La Cour d’appel a
considéré qu’il s’agit de « crimes qui sont à compter
parmi les plus graves jugés par un
juge pénal néerlandais depuis la Deuxième Guerre mondiale
».
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 23 mars 2009, LJN BI2444
2 Cour d’appel de La Haye, 7 juillet 2011, LJN BR0686
Ephrem S.
En 1994, Ephrem S. était colonel de l’armée rwandaise. En
cette qualité, il
commandait les personnels de l’armée rwandaise, la garde
présidentielle et les milices
Interahamwe et Amahindure. Auprès du Tribunal pénal
international pour le Rwanda,
une plainte avait été déposée à l’encontre d’Ephrem S.
pour incitation au génocide,
crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Suite à la
demande d’extradition émise
par le Tribunal pénal international pour le Rwanda,
Ephrem S. est arrêté à Amsterdam,
le 25 février 2004. Le 11 mai 2004, il est extradé. Le 25
février 2012, le Tribunal pénal
international pour le Rwanda condamne Ephrem S. à une
peine de prison de vingt-cinq
ans pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de
guerre, laquelle
condamnation est confirmée en appel.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 11 mai 2004, dossier no UTL-I-2004.004.402.
2 TPIR, Chambre de première instance I, Ephrem Setako, 25
février 2010,
dossier no ICTR-04-81-T, consultable sur
http://www.ictr.org.
3 TPIR, Chambre d’appel, Ephrem Setako, 28 septembre
2011, dossier
no ICTR-04-81-A, consultable sur http://www.ictr.org.
Michel B.
Le 13 avril 2007, la Chambre de première instance du
Tribunal pénal international pour
le Rwanda transfère aux autorités néerlandaises la
poursuite pénale à l’encontre de
Michel B., qui est domicilié aux Pays-Bas. Jusqu’en
juillet 1994, B. avait été le
directeur général d’OCIR-Thé, organisme public gérant
onze usines théières au
Rwanda. Il aurait été un membre notable de la milice
hutue locale qui a joué un rôle
important dans les atrocités commises lors du génocide
rwandais. Le procureur du
Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR)
accusait B. de participation au
génocide et à des crimes de guerre.
Le 27 juillet 2007, le Tribunal de La Haye statue que la
Loi sur les crimes
internationaux n’a pas d’effet rétroactif. Cela implique
que les Pays-Bas n’ont pas de
juridiction pour ce qui est du crime de génocide imputé à
Michel B. La Loi de mise en
oeuvre de la Convention contre le génocide, en vigueur à
ce moment-là, ne prévoyant
aucune juridiction universelle pour les crimes de
génocide, B., en tant que non-
Néerlandais, ne peut pas être poursuivi pour génocide.
Cela amène le procureur du
TPIR à présenter une requête en vue de permettre tout de
même la poursuite pénale
de Michel B. devant le TPIR, laquelle requête est agréée.
Le 5 novembre 2009, le
TPIR condamne Michel B. à une peine de prison de huit ans
pour complicité de
génocide.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 21 mars 2008, LJN: BC7362
2 Pour l’affaire à l’encontre de Michel B. auprès du TPIR
: Le Procureur c/
Michel Bagaragaza, dossier no ICTR-2005-86-S, consultable
sur www.ictr.org
Simon B.
En 2000, Simon B. demande l’asile aux Pays-Bas. Le 9
juillet 2001, le soupçonnant
d’implication dans des actes de génocide et des crimes
contre l’humanité, le Tribunal
pénal international pour le Rwanda sollicite les Pays-Bas
de l’arrêter. Au Rwanda, il
était un chansonner populaire dont les chansons passaient
souvent sur les antennes
de Radiotélévision Libre des Milles Collines. Ses
chansons respiraient une
propagande anti-tutsie prononcée.
Le 12 juillet 2001, il est arrêté à Leyde sur pied de la
demande d’extradition. Dans une
tentative de s’opposer à son extradition, il intente un
procès en référé, mais le tribunal
considère l’extradition admissible. Il est transféré au
Tribunal pénal international pour
le Rwanda, qui le condamne, le 2 décembre 2008, à une
peine de prison de quinze
ans pour « incitation directe et publique à la commission
de génocide », laquelle
condamnation sera intégralement confirmée en appel.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 14 février 2002, LJN:AD9260
2 TPIR, Chambre de première instance III, Simon Bikindi,
2 décembre 2008,
dossier no ICTR-01-72-T, consultable sur www.ictr.org
Sri Lanka
Historique
Après l’accession à l’indépendance du Sri Lanka en 1948,
le nouveau gouvernement,
dominé par les Cingalais ethniques, prend un certain
nombre de mesures visant à
avantager la fraction cingalaise de la population.
Cependant, celles-ci donnent
naissance à des tensions ethniques entre Tamouls et
Cingalais et, dans les années
70, alimentent, auprès de certains groupes tamouls,
l’aspiration à créer un État
indépendant au nord et à l’est du Sri Lanka. Certaines
organisations croient pouvoir y
parvenir par la voie de la violence. L’une d’entre elles
est le mouvement des Tigres de
libération de l’Îlam tamoul (Liberation Tigers of Tamil
Eelam – LTTE), créé en 1976.
Dès leur fondation, les LTTE se voient attribuer des
actions violentes, y compris des
attentats et des liquidations. À partir de 1990, les LTTE
acquièrent « leur » territoire au
Nord-est du Sri Lanka, où ils s’arrogent les fonctions
d’une autorité publique. Ils
disposent d’une armée, d’une police, d’une justice et
d’un régime fiscal leur permettant
de financer la lutte armée contre l’armée sri lankais.
Pour boucler leurs besoins
financiers, ils font en outre appel aux Tamouls dispersés
aux quatre coins du monde.
Début 2009, les Tigres tamouls sont battus par l’armée
gouvernementale du Sri Lanka.
En l’été de 2009, leur nouveau leader annonce que le
mouvement indépendantiste
continuera ses activités. En 2006, l’Union européenne a
inscrit les LTTE sur la liste
d’organisations terroristes.
Une seule affaire à l’encontre de cinq personnes et relative
aux activités des LTTE a
été portée devant un tribunal néerlandais.
Thiruna E., Joseph M.J., Srirangan R., Ramachandran S. et
Lingaratnam T.
En 2008, suite à la réception de renseignements fournis
par les Services de
renseignement et de sécurité néerlandais (AIVD), le
Service national de police
judiciaire de l’époque ouvre une enquête étendue sur les
activités des Tigres tamouls
aux Pays-Bas. Les noms de Thiruna E., Joseph M.J.,
Srirangan R., Ramachandran S.
et Lingaratnam T. surgissent comme étant les leaders de
différentes organisations
tamoules actives sur le territoire néerlandais. Ces
organisations jouent un rôle au sein
du réseau international des LTTE. Lesdites personnes sont
soupçonnés d’avoir
collecté des fonds au bénéfice des LTTE par voie de
collectes, de quêtes, de la vente
de DVD et de l’organisation de loteries illégales.
En octobre 2011, le Tribunal de La Haye condamne les cinq
personnes pour avoir
assumé aux Pays-Bas des fonctions dirigeantes au sein
d’une organisation criminelle
déployant des activités pour les LTTE. Elles sont jugées
coupables d’extorsion de
paiements, de violation de la Loi sur les jeux de hasard,
de la Loi sur les sanctions et
du règlement sur les sanctions antiterroristes, ainsi que
de blanchiment d’argent. Les
cinq personnes sont condamnées à des peines de prison
d’entre deux et six ans.
Aussi bien la défense que le Ministère public
interjettent appel auprès de la Cour
d’appel de La Haye, qui examinera le dossier en septembre
et octobre 2013.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 21 octobre 2011, LJN: BT8829
2 Tribunal de La Haye, 21 octobre 2011, LJN: BU2066
Autres affaires
D’autres dossiers, une fois examinés, n’ont pas donné
lieu à des poursuites pénales,
dont celui établi suite à l’enquête sur l’éventuelle
implication de quelques Néerlandais
dans des crimes de guerre commis en Croatie au début des
années 1990.
Un autre exemple est l’enquête sur une entreprise
néerlandaise qui avait fourni des
matériaux destinés à la construction de la barrière de
séparation et d’une colonie
israélienne en Cisjordanie. Cette enquête avait été
ouverte suite à une plainte déposée
par l’organisation des droits de l’homme Al Haq.
Glossaire
Article 1F de la Convention relative au statut des
réfugiés
Aux termes de l’article 1F de la Convention relative au
statut des réfugiés, certains
réfugiés sont exclus du droit de protection. Les
personnes dont on aura des raisons
sérieuses de penser qu’elles ont commis, en dehors du
pays d’accueil, un crime contre
la paix, un crime de guerre, un crime contre l’humanité
ou un autre crime non-politique,
ou qu’elles ont commis des agissements contraires aux
buts et aux principes des
Nations unies, sont exclus du droit d’asile et peuvent,
en principe, être renvoyées à
leur pays d’origine.
Convention contre la torture
La Convention contre la torture interdit la torture et
autres peines et traitements cruels,
inhumains ou dégradants. Les parties signataires
s’obligent à empêcher la torture et à
poursuivre et à punir ceux qui s’en rendent coupables, ce
qui, aux Pays-Bas, se fait
aux termes de la Loi de mise en oeuvre de la Convention
contre la torture et de la Loi
sur les crimes internationaux.
Convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide
Aux termes de la Convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide
(CPRCG), signée le 9 décembre 1948, le génocide est un
crime de droit international.
Le but de la convention est de prévenir le génocide et de
punir les personnes
responsables de génocide. Aux Pays-Bas, l’application de
la convention est prévue par
la Loi de mise en oeuvre de la Convention contre le
génocide.
Référé
Procédure civile accélérée pour les cas qui ne souffrent
pas l’attente du résultat d’une
procédure normale.
Prisonnier de guerre
Un prisonnier de guerre est un combattant tombé entre les
mains d’une puissance
ennemie. Aux termes du droit de guerre humanitaire, les
prisonniers de guerre
jouissent du droit de protection et doivent être traités
selon certains critères. Ces droits
sont consignés notamment dans la Convention de Genève
relative au traitement des
prisionniers de guerre de 1949 (Troisième Convention de
Genève).
Juridiction
La compétence d’un juge pour statuer sur une affaire. Les
tribunaux néerlandais ne
peuvent pas statuer sur les affaires pénales pour
lesquelles les Pays-Bas n’ont pas la
juridiction. Ainsi, le juge néerlandais n’a pas de
juridiction pour les crimes contre
l’humanité commis avant le 3 octobre 2003, date d’entrée
en vigueur de la Loi sur les
crimes internationaux.
Suspicion
Une présomption raisonnable de culpabilité à l’égard
d’une personne objet
d’indications d’avoir commis un fait punissable.
Loi sur les crimes internationaux
Aux termes de la Loi sur les crimes internationaux,
entrée en vigueur le 1er octobre
2003, les Pays-Bas ont la juridiction en matière de
génocide, de crimes contre
l’humanité et de crimes de guerre.
Loi sur le droit pénal en temps de guerre
Entrée en vigueur dès 1952, la Loi sur le droit pénal en
temps de guerre pénalise les
crimes de guerre. Depuis 2003, les crimes de guerre
relèvent de la Loi sur les crimes
internationaux. Cette dernière étant dépourvue de
rétroactivité, les crimes de guerre
commis avant le 1er octobre 2003 sont poursuivis au titre
de la Loi sur le droit pénal en
temps de guerre.