samedi 24 février 2018

INTRODUCTION SUR LA JUSTICE PÉNALE INTERNATIONALE ET SES JURIDICTIONS


INTRODUCTION SUR LA JUSTICE PÉNALE INTERNATIONALE  ET SES JURIDICTIONS
L’élaboration d’une justice pénale internationale s’est faite en réaction aux massacres commis au cours du XXe siècle. La Première Guerre mondiale, la Seconde Guerre mondiale, les conflits en ex-Yougoslavie et la guerre au Rwanda ont constitué les épisodes les plus marquants de ce processus.
Si la première théorie d’une justice internationale apparait déjà au XIIIe siècle, grâce au théologien poli­tique Francisco de Vitoria qui énonce les fondements d'un droit international nécessaire à la régulation des rapports entre États, ce n’est qu’au début du XXe siècle que la communauté internationale va vraiment prendre conscience de la nécessité de mettre en place une instance judiciaire internationale. Entre-temps, certaines conventions engagent déjà les États parties à réprimer les actes constitutifs de crimes de guerre sans mentionner explicitement la mise en place de juridictions pénales internationales1
La découverte de l’extermination de millions de personnes par le régime nazi en 1945 a conduit à la création du Tribunal militaire international de Nu­remberg (pour juger les principaux responsables du régime nazi) et du Tribunal militaire international pour l’Extrême-Orient (pour juger les principaux res­ponsables japonais)2. Ces juridictions étaient compé­tentes pour juger des crimes contre la paix, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Les procès devant des tribunaux militaires internationaux ont per­mis de poser les bases de la justice pénale internatio­nale. Ces deux tribunaux ne reflètent toutefois que la justice des vainqueurs.
Suite aux procès tenus devant ces deux tribunaux militaires, l’Assemblée générale des Nations unies a reconnu la nécessité de créer une cour internationale permanente pour juger les criminels de guerre et les auteurs de crimes de masse, quel que soit la nationa­lité des auteurs ou le lieu de commission des crimes. Dans un premier temps, une base juridique se crée pour définir les incriminations et prévoir leur répres­sion avant tout sur le plan national. Celle-ci est prévue dans des conventions internationales (droit internatio­nal humanitaire et droit international pénal) et dans de nombreuses législations internes.
De manière générale, ces conventions internationales engagent les États parties à ériger plusieurs crimes in­ternationaux en infractions pénales dans le droit natio­nal et à établir leurs compétences pour poursuivre et juger les auteurs devant leurs propres juridictions. En 1948, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide sont alors adoptées. En 1949, les quatre Conventions de Genève sont adoptées afin d’assurer notamment la protection des personnes qui ne participent pas aux hostilités (les civils, les membres du personnel sanitaire ou d’organisations humanitaires) ainsi que celles qui ne prennent plus part aux combats (les blessés, les malades, les nau­fragés, les prisonniers de guerre). Enfin, la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est adoptée en 1984.
Cependant, malgré l’adoption de ces textes, le dé­clenchement de la guerre froide bloque toute mise en place d’une instance internationale de justice pénale.
Ce processus ne reprend qu’au moment de la créa­tion de Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda et suite aux décisions de plusieurs juridictions d’États européens de poursuivre les personnes responsables de crimes restés impunis, comme Augusto Pinochet.
1 Par exemple : La Convention de Genève du 6 juillet 1906 et la Convention de Genève du 27 juillet 1929 pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne.
2 Ces deux tribunaux ont été créés, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, respectivement par l’accord de Londres du 8 août 1945 et par une déclaration du Commandant suprême des forces alliées le 19 janvier 1946. Le Tribunal de Nuremberg était composé de quatre juges titulaires et de quatre juges suppléants désignés par les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l’URSS. Le jugement relatif aux 22 dirigeants nazis déférés devant le tribunal a été rendu le 1er octobre 1946 et condamnait 12 accusés à mort, trois à la prison à vie, deux à 20 ans de prison, un à 15 ans de prison et un à 10 ans de prison. Deux dirigeants ont été acquittés et toutes les peines ont été exécutées. Le 12 novembre 1948, le Tribunal de Tokyo a condamné 8 des 25 accusés à mort et la plupart des autres à la détention à perpétuité.
rcn-ong.be

La mise en place d’une juridiction permanente réel­lement indépendante s’est alors concrétisée lors de la conférence de Rome qui s’est tenue du 15 juin au 17 juillet 1998 et a donné naissance à la Cour pénale internationale dont le Statut est entré en vigueur le 1er juillet 2002.
La justice pénale internationale a donc pour mission de juger les auteurs des crimes les plus graves du droit pénal international en essayant de prévenir ces crimes internationaux. À l’inverse des TPI, la CPI donne une place aux victimes dans le processus judiciaire, aidant ainsi à l’établissement de la vérité historique, au-delà de la vérité judiciaire, sur les crimes commis. Elle a également une mission de protection à l’égard de ces victimes.
LES TRIBUNAUX PÉNAUX
INTERNATIONAUX
POUR L’EX-YOUGOSLAVIE (TPIY)
ET LE RWANDA (TPIR)
En l’absence de juridiction pénale internationale per­manente, le Conseil de sécurité des Nations unies a dé­cidé de créer des tribunaux pénaux internationaux ad hoc. Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougos­lavie et le Tribunal pénal international pour le Rwanda sont donc des institutions des Nations unies.
Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a été créé par la résolution 827 du Conseil de sécurité des Nations unies du 25 mai 1993 qui le charge de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 3. Son siège est situé à La Haye. Le TPIY a mis en accusation plus de 160 individus (dont des dirigeants politiques ou militaires) pour des crimes commis entre 1991 et 2001 contre des membres des communautés ethniques situées en Croatie, en Bosnie-Herzégovine, en Serbie, au Kosovo et en Macédoine.
Plus de 60 individus ont été condamnés, plus aucun des accusés n’est en fuite à l’heure actuelle et certaines affaires sont encore en cours. Le tribunal met en place une « stratégie d’achèvement des travaux » depuis 2003, en travaillant en collaboration avec les tribunaux nationaux des pays de l’ex-Yougoslavie et en renforçant leurs capacités pour qu’ils puissent eux-mêmes juger des affaires de crimes de guerre.
Le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) a quant à lui été créé par la

résolution 955 du Conseil de sécurité des Nations unies du 8 novembre 1994 et siège à Arusha, en Tanzanie. Il est unique­ment chargé de juger les personnes présumées res­ponsables d’actes de génocide ou d’autres violations graves du droit international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présu­més responsables de tels actes ou violations commis sur le territoire d’États voisins, entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994 4. Plus de 90 personnes ont été mises en accusation : certaines ont déjà été recon­nues coupables de crimes internationaux et d’autres affaires sont encore en cours. Une stratégie d’achève­ment des travaux a également été mise en place pour ce tribunal depuis 2003.
D’après les statuts des TPI, les juridictions nationales et les TPI peuvent se saisir de ces infractions mais les TPI ont la primauté sur les juridictions nationales et peuvent demander à ces dernières de se dessaisir en leur faveur.
La création de ces tribunaux (qui doivent achever leurs travaux pour le 31 décembre 2014) 5 a servi de trem­plin pour la création d’une cour pénale internationale tout en mettant en évidence les difficultés qui peuvent résulter de la mise en place de ce type de juridictions (lenteurs de la procédure orale, encombrement des greffes,…).
3 La compétence de ce tribunal est limitée aux crimes de guerre, crimes de génocide et crimes contre l’humanité.
4 La compétence de ce tribunal est limitée aux violations de l’article 3 commun aux Conventions de Genève
de 1949 et du Protocole additionnel II, aux crimes
de génocide et aux crimes contre l’humanité commis durant l’année 1994 sur le territoire du Rwanda ou
sur le territoire des États voisins lorsque les violations
ont été commises par un ressortissant rwandais
5 Le 22 décembre 2010, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1966 qui crée
le Mécanisme international chargé d’exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux internationaux. Les TPI sont priés d’achever leurs travaux au plus tard le 31 décembre 2014, de préparer leur fermeture et d’opérer une transition avec le Mécanisme international.

LA COUR PÉNALE
INTERNATIONALE (CPI) 6
La Cour pénale internationale est la première juridic­tion internationale à valeur universelle et permanente et la première à avoir été créée afin de juger les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la com­munauté internationale. La CPI a été mise en place pour promouvoir le droit et assurer que les crimes internationaux les plus graves (à savoir le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et les crimes d’agression) soient réprimés et que leurs auteurs soient jugés.
La CPI est indépendante et son siège se situe à La Haye. Elle se distingue d’une autre juridiction inter­nationale, la Cour internationale de justice, qui juge des différends entre États, tandis que la CPI juge uni­quement les individus accusés de certains crimes de droit international. Sur base de l’article 27 du Statut de Rome, les individus ne peuvent plus invoquer leur qualité de personnage officiel et les immunités qui protègent normalement les chefs d’État et les hauts fonctionnaires de l’État contre d’éventuelles pour­suites judiciaires 7.
La CPI peut être saisie de trois manières :
un État partie peut transmettre au Procureur une situation dans laquelle des crimes internationaux semblent avoir été commis ;
le Procureur peut aussi ouvrir une enquête de sa propre initiative s'il a en sa possession certaines infor­mations sur des crimes qui auraient été commis ;
le Conseil de sécurité des Nations Unies peut éga­lement transmettre au Procureur une situation dans laquelle des crimes internationaux semblent avoir été commis (dans le cadre du maintien de la paix et de la sécurité internationales).
La cours peut prononcer plusieurs types de peines lorsque la personne est déclarée coupable : une peine d'emprisonnement, une amende et/ou des confisca­tions. Il existe également un droit à réparation pour les personnes reconnues victimes de ces crimes de­vant la CPI.
Le statut de Rome limite la compétence de la CPI aux « crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale » 8, à savoir, les crimes de génocide, les crimes contre l'humanité, les crimes de guerre 9 et les crimes d'agression.
La compétence de la CPI est aussi limitée dans le temps et dans l’espace. Elle ne peut juger que les crimes qui sont commis après sa création en 2002 et après ratification du Statut par l’État concerné. Elle n’est compétente que pour les crimes commis sur le territoire ou par un ressortissant d’un État partie (ou d’un État qui n’est pas partie au Statut mais qui a ac­cepté la compétence de la CPI), sauf en cas de renvoi d’une situation par le Conseil de sécurité.
De plus, la CPI joue un rôle complémentaire par rap­port aux juridictions pénales nationales et n’intervient donc pas si une procédure a été entamée de bonne foi au niveau national ce qui suppose qu’une affaire n’est pas recevable devant la CPI si elle fait ou a fait l’objet d’une enquête et/ou de poursuites dans un État compétent. La CPI reste néanmoins compétente si l’État n’a pas la volonté ou la capacité de mener une véritable enquête ou des poursuites. On peut noter quelques différences entre la CPI et les tribu­naux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda.
La répression des crimes d’agression fait partie de la compétence de la CPI 10 alors qu’elle n’appartient pas aux attributions du TPIY et TPIR.
Sur base de l’article 11 du Statut de Rome, la CPI ne peut exercer sa compétence qu’à l’égard des faits qui ont eu lieu après l’entrée en vigueur du Statut et sa ratification par l’État concerné, contrairement aux tri­bunaux de Nuremberg, de Tokyo, au TPIR et au TPIY, qui avaient compétence pour des faits antérieurs.
6 La Cour est le fruit de longues négociations au sein
de la communauté internationale. En effet, cent soixante États ont participé à la Conférence diplomatique des Nations unies qui a débouché sur l’adoption du Statut
de Rome, acte fondateur de la CPI adopté le 17 juillet 1998. Ce Statut est entré en vigueur le 1er juillet 2002 suite à sa ratification par un nombre suffisant d’États
(60). Sur le nombre de votants, seuls sept États se sont opposés au statut de Rome dont les États-Unis, Israël,
la Chine, le Nigéria et, le Soudan...
7 Le principe de l'immunité fondé sur le droit coutumier suppose que les anciens chefs d'État conservent tradi­tionnellement cette immunité pour les actes accomplis durant leur période au pouvoir. Toutefois, les décisions des juridictions nationales et internationales sont divisées sur la question de l'immunité. Si certaines juridictions considèrent que la commission de crimes contre l'huma­nité ou de crimes de génocide ne peuvent appartenir aux fonctions d'un chef d'État et que l'immunité peut donc être levée pour ce type de crimes (exemple : levée de l'immunité du général Pinochet le 25 novembre 1998 par la Chambre de Lords britanniques), d'autres juridictions considèrent que l'immunité doit être maintenue même lorsque les crimes de droit international les plus graves ont été commis (CIJ, affaire Yerodia, 2002).
8 Néanmoins, le Statut de Rome prévoit la possibilité
de modifier la liste des crimes relevant de la compétence de la CPI.
9 Cf. Support documentaire : Les crimes de droit interna­tional
10 Au départ, la CPI ne pouvait pas exercer sa compé­tence à l’égard du crime d’agression car le Statut ne définissait pas ce crime. Le 11 juin 2010, lors de la Confé­rence de révision du Statut de Rome à Kampala, les États ont adopté des amendements au Statut, notamment une définition du crime d’agression et le régime de l’exercice de la compétence de la Cour à l’égard de ce crime. Mais il est également prévu que la Cour ne pourra exercer sa compétence à l’égard du crime d’agression que lorsqu’au moins 30 États parties auront ratifié ou accepté l’amen­dement, et lorsque les deux tiers des États parties auront adopté une décision pour activer la compétence, à tout moment à compter du 1er janvier 2017.

L’obligation de coopération avec la CPI ne s’impose qu’aux États parties à son statut (sauf résolution du Conseil de sécurité dans certains cas). Cette obligation vis-à-vis des TPI s’impose à tous les États membres des Nations unies, ces juridictions ayant été créées sur la base d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies (et non d’un traité).
La CPI est complémentaire par rapport aux juri­dictions nationales, tandis que les tribunaux pénaux internationaux avaient la primauté par rapport aux juridictions nationales.
Le Statut de Rome crée également de manière plus explicite des droits pour les victimes devant la CPI (en termes de participation à la procédure, droit à des réparations, création d’un Fonds pour les victimes,…). Les statuts des TPI prévoient des mesures de protec­tion des victimes (ex. : audiences à huis clos, protec­tion de leur identité). Les règlements de procédure et de preuve de ces tribunaux permettent aux victimes, sur la base de la décision de condamnation, de mener une action devant une juridiction nationale pour obte­nir réparation du préjudice causé par l’infraction.
LES JURIDICTIONS MIXTES
De nouveaux types de juridictions voient également le jour. Celles-ci sont différentes des juridictions pé­nales internationales déjà mises en place car il s’agit d’instances nationales contrôlées et initiées par les Nations unies. Il s’agit donc de juridictions mixtes qui appliquent le droit international et/ou le droit national et qui sont composées de juges étrangers et de juges locaux. Ce type de juridiction a notamment été créé au Cambodge. Le 19 mai 2000, un projet d’accord a été établi entre le gouvernement cambodgien et les Nations unies sur la création d'un tribunal spécial char­gé de juger les anciens responsables Khmers rouges pour les crimes commis durant la période du Kam­puchéa démocratique entre 1975 et 1979. Ensuite, une loi a été adoptée le 10 août 2001 pour créer les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cam­bodgiens (CETC) mais elle s’éloigne de l’accord pro­posé par les Nations unies sur de nombreux points. Les Nations unies décident alors de se retirer des né­gociations en février 2002. Le dialogue est toutefois rétabli en 2003. Un projet d’accord est approuvé par l’Assemblée générale des Nations unies concernant la poursuite des auteurs des crimes commis pendant la période du Kampuchéa démocratique et le texte est finalement signé par le Gouvernement cambodgien et les Nations unies la même année. Cet accord inter­national détermine les modalités de fonctionnement des Chambres extraordinaires, qui sont détaillées par la suite dans la loi cambodgienne du 27 octobre 2004 modifiant la loi de 2001 précitée. Ce tribunal mixte a été inauguré en 2006. Ce type de juridictions mixtes a également été développé pour d’autres pays : le Tri­bunal spécial pour la Sierra Leone ou le Tribunal spé­cial pour le Liban.
Sources
France Diplomatie : http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/ enjeux-internationaux/onu/domaines-d-action-20260/ la-justice-internationale/article/la-justice-penale-
internationale
http://www.icccpi.int/fr_menus/icc/about%20the%20 court/Pages/about%20the%20court.aspx
Human Rights Watch : http://www.hrw.org/ reports/2006/ij0606/ij0606sumandrecsFR.pdf
Trial : http://www.trial-ch.org/fr/ressources
Statut de Rome : http://untreaty.un.org/cod/icc/
statute/french/rome_statute(f).pdf
Cour pénale internationale : http://www.icc-cpi.int/ FR_Menus/icc/Pages/default.aspx
TPIR : http://www.unictr.org/
TPIY: http://www.icty.org/
Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux : http://www.unmict.org/index_fr.html
Chambres extraordinaires au sein des tribunaux
cambodgiens : http://www.eccc.gov.kh/fr
Open Society : http://www.opensocietyfoundations. org/topics/international-justice
Croix-Rouge : http://www.icrc.org/fre/war-and-law/ internationalcriminaljurisdiction/index. jsp
Coalition pour la Cour pénale internationale :
http://www.iccnow.org/?mod=court

Crimes internationaux


CRIMES INTERNATIONAUX
« Il s'agit de crimes qui sont à compter parmi les plus graves jugés par un juge
pénal néerlandais depuis la Deuxième Guerre mondiale. »
(Arrêt de la Cour d’appel de La Haye dans l’affaire Joseph M., 2011)
Crimes de guerre, génocide, crimes contre l’humanité et torture, voilà des
crimes internationaux de la pire espèce. Les autorités neerlandaises estiment
que ces crimes doivent être instruits et que ceux qui s’en rendent coupables
doivent être punis. L’Équipe des crimes internationaux (Team Internationale
Misdrijven – TIM), opérant sous la houlette de la Division centrale de police
judiciaire (DLR) et en étroite collaboration avec le Parquet national, enquête sur
les crimes internationaux commis par ou contre des personnes de nationalité
néerlandaise ou des personnes résidant sur le territoire des Pays-Bas.
1 Quels sont les crimes internationaux ?
Le terme « crimes internationaux » englobe un certain nombre de graves violations du
droit international : génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité et
torture. L’esclavage, les détournements d’avion et la piraterie revêtent certes un
caractère international, mais ne sont pas considérés comme des crimes
internationaux.
1.1 Génocide
Dans le système légal pénal des Pays-Bas, le génocide est défini dans la Loi sur les
crimes internationaux. Son article 3 dispose qu’est coupable de génocide :
quiconque, dans l’intention d’exterminer en tant que tel un groupe national, ethnique
ou religieux, ou un groupe appartenant à un race déterminé :
a. tue des membres du groupe ;
b. inflige des lésions physiques ou mentales graves à des membres du groupe ;
c. impose délibérément au groupe des conditions de vie tendant vers son
extermination physique totale ou partielle ;
d. prend des mesures ayant pour but d’empêcher des naissances au sein du
groupe ; ou
e. pratique le transfert forcé d’enfants du groupe vers un autre groupe.
Pour qu’il y ait question de génocide, il est donc requis que les crimes aient été
commis dans l’intention d’exterminer un groupe déterminé.
Dans l’histoire récente, plusieurs pays sont devenus la proie de génocide. Entre eux, le
Rwanda se situe au premier rang. En 1994, en l’espace de moins de cent jours, des
militaires du gouvernement et des miliciens hutus ont tué quelque 800 000 tutsis et
hutus modéres. Étant donné que leur but était l’extermination de l’ethnie tutsie, il s’agit
d’un cas de génocide. Les Pays-Bas eux-mêmes ont connu le génocide lors de la
Deuxième Guerre mondiale.
À titre d’exemple d’affaires pénales néerlandaises dans lesquelles il y avait question
de suspicions de (participation à) un crime de génocide, on peut citer les affaires
contre Frans van A. (Irak) et Yvonne B. (Rwanda).
1.2 Crimes de guerre
Les crimes de guerre sont des violations des « lois et usages de guerre ». Ces « lois et
usages » définissent la manière à laquelle on peut se servir de violence en temps de
guerre (« conflit armé »). Ces règles visent à protéger les personnes non impliquées
dans la guerre. Dans le système légal néerlandais, ces règles sont consignées dans la
Loi sur le droit pénal en temps de guerre (pour ce qui est des crimes de guerre commis
avant 2003 ou ceux commis dans une guerre dans laquelle les Pays-Bas étaient
partie) et dans les articles 5 à 7 de la Loi sur les crimes internationaux. Le terme crime
de guerre comprend notamment le pillage, le viol et la mise à mort de civils et de
prisionniers de guerre sans autre forme de procès commis en temps de guerre.
L’histoire de l’humanité compte une multitude de guerres, dont certaines ne sont
même pas terminées. Ainsi, la guerre a ravagé la Bosnie-Herzégovine et l’Afghanistan.
Un exemple d’une affaire pénale néerlandaise dans laquelle il y avait question de
suspicions de (participation à des) crimes de guerre est l’affaire contre Habibullah J.
(Afghanistan).
1.3 Crimes contre l’humanité
L’article 4 de la Loi sur les crimes internationaux définit les crimes contre l’humanité. Il
s’agit de crimes commis dans le cadre d’une attaque étendue et systématiqe visant la
population civile. Le terme crime contre l’humanité comprend notamment la
déportation ou le transfert forcé de population, la torture, l’esclavage, le viol, la
prostitution forcée ou toute autre forme de violence sexuelle ou d’homicide.
Dans le système pénal néerlandais, ce crime en tant que tel ne constitue un fait
punissable que depuis l’adoption de la Loi sur les crimes internationaux, en octobre
2003. Cela explique pourquoi, aux Pays-Bas, seuls les crimes contre l’humanité
commis après le 1er octobre 2003 peuvent faire l’objet de poursuites pénales.
Un exemple concret de crimes contre l’humanité est le système d’apartheid pratiqué
par le gouvernement sud-africain entre 1948 et 1990. Aux Pays-Bas, aucune affaire de
crime contre l’humanité n’a été portée devant les tribunaux jusqu’à ce jour.
1.4 Torture
Dans le système légal néerlandais, la torture est définie dans la Loi de mise en oeuvre
de la Convention contre la torture (pour ce qui est des crimes de torture commis entre
1989 et 2003) et dans les articles 1 et 8 de la Loi sur les crimes internationaux (pour ce
qui est des crimes de torture commis après le 1er octobre 2003).
La torture est – en résumé – l’infliction de douleurs aiguës physiques ou mentales.
L’auteur doit avoir un but spécifique, par exemple obtenir un aveu, discriminer la
victime ou lui faire peur. La loi néerlandaise traite différemment les actes de tortures
infligés par un fonctionnaire (ou avec l’autorisation d’un fonctionnaire) et les autres.
Plusieurs affaires pénales dans lesquelles des suspicions de torture ont joué un rôle
ont été portées devant les tribunaux néerlandais, notamment l’affaire contre Sébastian
N. (Congo) et celle contre Hesamuddin H. (Afghanistan).
1.5 Disparition forcée
Depuis 2011, le crime de disparition forcée est pénalisé aux termes des articles 4 et 8a
de la Loi sur les crimes internationaux. Ces articles définissent le crime de disparition
forcée comme :
l’arrestation, l’emprisonnement, la déportation ou toute autre forme de privation de la
liberté d’une personne par ou avec l’autorisation, le soutien ou le consentement d’un
État ou d’une organisation politique, suivi du refus de reconnaître ladite privation de
liberté ou du refus de fournir des renseignements sur le sort ou le lieu de résidence de
ladite personne ou de la dissimulation du sort ou du lieu de résidence de ladite
personne, laquelle de ce fait se trouve privée de la protection de la loi.
Aux Pays-Bas, aucune affaire concernant ce type de crimes contre l’humanité n’a été
portée devant les tribunaux jusqu’à ce jour.
2. Que fait l’Équipe des crimes internationaux et pourquoi ?
Les crimes internationaux sont des crimes de la pire espèce. Les auteurs de crimes
internationaux doivent être recherchés et jugés où qu’ils se trouvent et quelle que soit
leur nationalité. Aux Pays-Bas, nous voulons éviter que les victimes de crimes
internationaux qui se sont installées dans notre pays en tant que réfugiés risquent d’y
être confrontées aux criminels devant qui ils se sont fuis. C’est dans le but de
rechercher et poursuivre les auteurs de ces crimes que l’Équipe des crimes
internationaux (TIM) a été créée.
Recherche et poursuite :
De concert avec le Parquet national du Ministère public, l’Équipe des crimes
internationaux est responsable de la recherche et la poursuite de ceux qui se sont
rendus coupables de génocide, de crimes de guerre, de torture ou de crimes contre
l’humanité. Les suspects sont potentiellement des personnes résidant aux Pays-Bas,
des personnes de nationalité néerlandaise ou des personnes ayant commis des
crimes à l’encontre de quelqu’un de nationalité néerlandaise. L’équipe est une unité de
la Division centrale de Police judiciaire. Des enquêtes ont été menées sur des
Afghans, des Néerlandais et des Rwandais, entre autres.
Extradition à d’autres pays :
Les suspects peuvent faire l’objet non seulement de recherches et de poursuites
judiciaires, mais aussi d’extradition. Des personnes résidant aux Pays-Bas peuvent
donc être extradées vers un autre pays afin d’y être jugées et d’y purger leur peine.
Ainsi, en 2010, le Néerlandais Senad A. a été extradé par les Pays-Bas vers la Bosnie-
Herzégovine, où, en 2011, il a été condamné à une peine de prison de huit ans pour
son implication dans des crimes de guerre commis en Bosnie-Herzégovine en 1993.
Remise aux tribunaux internationaux :
Les personnes résidant aux Pays-Bas et étant recherchées par l’un des tribunaux
internationaux peuvent être arrêtées par nous en vue de leur remise au tribunal en
question. Des exemples récents d’une telle remise sont les cas de Simon B. et
d’Ephrem S, qui ont été arrêtés aux Pays-Bas puis remis au Tribunal pénal
international pour le Rwanda (TPIR), qui les a condamnés à une peine de prison.
Transfert d’une affaire pénale :
Lorsqu’il ressort des recherches entreprises par nous que le suspect en question
réside à l’étranger, nous pouvons transférer les informations recueillies, le dossier et
même les poursuites au pays où le suspect se trouve.
3 Quand l’Équipe des crimes internationaux a-t-elle été créée ?
Suite à la constitution du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) en
1994, l’Équipe nationale d’enquête sur les crimes de guerre yougoslaves (NOJO-team)
a été créée aux Pays-Bas. Rebaptisée Équipe nationale d’enquête sur les crimes de
guerre (NOVO-team) en 1998, elle a étendu ses attributions à des pays autres que
l’ex-Yougoslavie. Les deux équipes étaient dirigées par l’Équipe pour la loi sur le droit
pénal en temps de guerre (WOS-team), du Ministère public d’Arnhem. Le 1er
septembre 2002, le parquet d’Arnhem a cédé l’autorité sur la NOVO-team au Parquet
national à Rotterdam. En 2003, la NOVO-team est devenu l’Équipe des crimes
internationaux, opérant sous la houlette de la Division centrale de police judiciaire.
4 Pourquoi y a-t-il une équipe dédiée spécifiquement aux crimes
internationaux ?
La recherche et poursuite de personnes qui se sont rendues coupables de génocide,
de crimes de guerre, de torture ou de crimes contre l’humanité est très complexe. Il
s’agit souvent d’affaires pouvant être qualifiées de « dossiers non résolus d’intérêt
mondial ». La plupart des crimes ont été commis dans un passé lointain et dans un
pays étranger se trouvant en état de guerre. Voilà ce qui explique le besoin de créer
une équipe dédiée spécifiquement à la complexité des crimes internationaux.
Une bonne partie des recherches se déroule hors des frontières du territoire national,
souvent dans un pays ravagé par la guerre. Trouver des preuves est compliqué,
beaucoup de documents et de données médico-légales, notamment les traces ADN,
se perdant avec le temps. C’est pourquoi les témoignages jouent un rôle important
dans les investigations. La première priorité est de retrouver ces témoins, qui vivent
souvent disséminés aux quatre coins du monde. Ensuite, il importe qu’ils se sentent
suffisamment en sécurité pour ouvrir leur coeur. Une difficulté supplémentaire réside
en le fait que les événements relatés par eux remontent à un passé lointain.
5 Avec qui l’Équipe des crimes internationaux collabore-t-elle ?
Dans un souci d’éviter que les Pays-Bas ne se transforment en un refuge pour les
auteurs de crimes internationaux, l’Équipe des crimes internationaux et le Parquet
national collaborent avec d’autres organisations.
Service d’immigration et de naturalisation (IND) :
Les étrangers désireux d’être admis sur le territoire des Pays-Bas sont invités à
présenter leurs antécédents et à raconter leur vie au Service d’immigration et de
naturalisation. Lorsqu’il y a lieu de soupçonner que la personne en question a été
impliquée dans la commission de crimes, son dossier sera transféré à un département
spécial du Service d’immigration et de naturalisation, qui l’examinera et décidera si son
cas relève des dispositions de l’article 1F de la Convention relative au statut des
réfugiés. Dans l’affirmative, le permis de séjour lui sera refusé. Lorsque la personne
est soupçonnée d’avoir commis un crime international, le Service d’immigration et de
naturalisation avertit le Parquet national.
Ministère de la Sécurité et de la Justice
Les enquêtes portant sur des crimes internationaux réclament souvent des
investigations dans un pays étranger, notamment l’audition de témoins. Sous forme
d’une demande d’entraide judiciaire, le ministère de la Sécurité et de la Justice
sollicitera, au nom du Parquet national, l’autorisation requise auprès des autorités du
pays étranger. Ce ministère veille en outre à ce que la législation néerlandaise soit
adaptée afin de permettre une attaque efficace des crimes internationaux et il
contribue – de concert avec le ministère des Affaires étrangères – au renforcement du
secteur de la Justice dans d’autres pays.
Ministère des Affaires étrangères
Le ministère des Affaires étrangères prête assistance pour nouer des contacts avec
l’étranger et il soutient les demandes d’entraide judiciaire. Il est en outre impliqué dans
l’appréciation des demandes de visa reçues par les ambassades néerlandaises à
l’étranger. De concert avec le ministère de la Sécurité et de la Justice, il contribue au
renforcement du secteur de la Justice dans d’autres pays.
Service du rapatrièment et du départ (DT&V)
Le Service de retour et départ est une organisation exécutive du ministère de l’Intérieur
et des Relations au sein du Royaume. Il organise le départ effectif d’étrangers sans
titre de séjour pour les Pays-Bas.
Partenaires étrangers
Le Parquet national et l’Équipe des crimes internationaux collaborent avec des
partenaires étrangers. Le contact avec les collègues étrangers permet d’échanger des
connaissances et des expériences. Ils collaborent également avec les tribunaux
internationaux, notamment le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY),
le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), le Tribunal spécial pour le Sierra
Leone (TSSL) et la Cour pénale internationale (CPI). Les tribunaux ad hoc disposent
d’une compétence spécifique pour un conflit, un pays et/ou une période déterminé.
Quant à la Cour pénale internationale de La Haye, elle se concentre sur des individus
que le pays en question ne peut ou ne veut pas juger. Les tribunaux et la Cour pénale
disposent en outre de leurs propres équipes de recherche qui effectuent des
investigations de la part du procureur.
6. Le Guichet accueillant les témoins : crimes internationaux, signalez-les !
Crimes internationaux, signalez-les !
Les expériences que vous avez vécues dans votre pays d’origine peuvent être de la
plus haute importance pour nous. Possiblement vous connaissez des auteurs ou des
victimes de crimes internationaux qui se trouvent actuellement aux Pays-Bas. Ces
informations peuvent présenter un grand intérêt pour nous.
Vous connaissez quelqu’un qui a commis des crimes internationaux ?
Et vous vous demandez que faire de ce savoir ? Sachez que l’Équipe des crimes
internationaux (TIM), pour le compte du Ministère public, enquête sur les crimes de
guerre, les génocides, les tortures et les crimes contre l’humanité. Si l’auteur se trouve
sur le territoire des Pays-Bas, une enquête peut être ouvert à son encontre. Mais
même s’il s’est enfui dans un autre pays, cette information risque de nous être utile.
Ces dernières années, nous avons mené des investigations au Rwanda, en
Afghanistan, en ex-Yougoslavie, au Sierra Leone, au Liberia et au Congo, entre
autres. Plusieurs criminels de guerre, génocidaires et tortionnaires ont déjà été
condamnés à une peine de prison par un tribunal néerlandais.
Pourquoi l’Équipe des crimes internationaux (TIM) veut-elle que vous lisiez ceci ?
Les renseignements fournis par vous peuvent nous aider à localiser les auteurs de
crimes internationaux. Vous disposez peut-être d’informations sur des Néerlandais
impliqués dans des guerres. Ou vous êtes peut-être vous-même victime d’un crime
international. En toute hypothèse, nous vous prions de nous contacter sans aucun
engagement de votre part. Il va sans dire que notre équipe de recherche garantit la
confidentialité de vos renseignements.
7. Quelles affaires ont été portées devant les tribunaux ?
Depuis 1996, plusieurs affaires impliquant des personnes suspectées d’avoir commis
des crimes internationaux ont été portées devant les tribunaux néerlandais. Il s’agissait
de suspects originaires de différents pays. Veuillez lire ci-après une exposition des
affaires pénales ventilées par pays et précédée d’une brève historique du conflit en
question.
Afghanistan
Historique
Le 27 avril 1978, un certain nombre d’officiers de gauche se révoltent et commettent
un coup d’État. Le président de la République d’Afghanistan de l’époque, M. Daoud,
est tué et la Révolution de Saur déclenche une lutte armée entre le régime
communiste nouvellement installé, qui contrôle la capitale Kaboul et quelques grandes
villes, et le nombre toujours croissant de groupes de résistance, qui maîtrisent les
autres parties du pays. Les troupes soviétiques, des militaires afghans partisans du
gouvernement et des unités paramilitaires combattent les mouvements de résistance,
dont plusieurs sont d’orientation islamiste. Des milliers de (supposés) opposants du
régime communiste sont arrêtés, torturés et assassinés.
Trois affaires concernant des crimes commis par des collaborateurs du service de
renseignements militaire afghan KhaD-e-Nezami ont été portées devant les tribunaux
néerlandais.
Hesamuddin H.
« (…) Souvent on m’obligeait de rester courbé pendant longtemps ou de me tenir
debout sur une jambe, les mains contre le mur. Il m’est même arrivé une fois que cela
durait quarante jours. (…) Les pires sévices que j’ai subis, c’est quand on a mis mon
corps sous tension. À plusieurs reprises, on m’a introduit des fils d’électricité dans la
bouche puis on a ouvert le circuit. (…) Le pire que j’ai vécu, c’est quand on a mis mes
parties génitales sous tension. Cela faisait terriblement mal. En novembre-décembre,
les mois les plus froids en Afghanistan, on m’a obligé de rester dehors dans la neige, à
poil, du crépuscule jusqu’à l’aube (…) »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Hesamuddin H.)
À l’époque du régime communiste, H. était un haut général de l’armée afghane. Il était
chef du service de renseignements militaire KhaD-e-Nezami et ministre délégué à la
Sécurité d’État. En 1992, H. demande l’asile aux Pays-Bas, qui lui est refusé sur pied
de l’article 1F de la Convention relative au statut des réfugiés. Selon certaines
indications, H. se serait rendu coupable de torture et de crimes de guerre. En 2003,
une autre enquête pénale révèle d’autres informations le mettant en cause. Une
enquête pénale est ouverte à son encontre et, le 27 novembre 2004, il est arrêté à
Boskoop. Finalement H. est condamné par la Cour d’appel de La Haye à une peine de
prison de douze ans pour torture et le crime de guerre torture, condamnation
confirmée par la Cour suprême en 2008.
Décisions judiciaires :
• Tribunal de La Haye, 14 octobre 2005, LJN AU4347
• Cour d’appel de La Haye, 29 janvier 2007, LJN AZ7143
• Cour suprême, 8 juillet 2008, LJN BC7418
Habibullah J.
« (…) On me torturait de midi jusqu’à onze heures du soir. On m’administrait de
l’électricité et on m’assenait des coups à l’aide de toutes sortes d’objets, dont des
bâtons et des rameaux. (…) Je ne suis plus capable de retenir mon urine à cause des
supplices appliqués sur mes reins et d’autres supplices. À part cela, je souffre
gravement des nerfs. Je suis très stressé et tendu (…) »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Habibullah J.)
J. était le chef du département des interrogatoires du service des renseignements
militaire KhaD-e-Nezami et il était un subordonné de H., précité, dans la période de
1979 à 1989. En 1996, il demande l’asile aux Pays-Bas, qui lui est refusé sur pied de
l’article 1F de la Convention relative au statut des réfugiés. Selon certaines indications,
J. se serait rendu coupable de crimes de guerre. Une enquête pénale est ouverte et,
en 2004, J. est arrêté suspect de crimes de guerre. En 2007, il est condamné par la
Cour d’appel de La Haye à une peine de neuf ans de prison pour le crime de guerre
torture, condamnation confirmée par la Cour suprême en 2008.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye,14 octobre 2005, LJN AU4373
2 Cour d’appel de La Haye, 29 janvier 2007, LJN AZ7147
3 Cour suprême, 8 juillet 2008, LJN BC7421
Abdullah F.
F. était le directeur de la division 2 du département des affaires militaires du KhaD-e-
Nezami. Plus tard, il a été nommé gouverneur de la province de Kunduz. En 1994, il
demande l’asile aux Pays-Bas, qui lui est refusé sur pied de l’article 1F de la
Convention relative au statut des réfugiés. Selon certaines indications, il se serait
rendu coupable de torture pratiquée contre des prisonniers et d’avoir permis la torture
pratiquée par ses subalternes. Arrêté en 2006, F. est acquitté par le tribunal de
l’accusation de torture ainsi que de sa responsabilité en tant que supérieur de la
torture pratiquée par ses subalternes. En appel, la Cour d’appel de La Haye l’acquitte
elle aussi, décision confirmée par la Cour suprême en 2011.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 25 juin 2007, LJN:BA7877
2 Cour d’appel de La Haye,16 juillet 2009, LJN: BJ2796
3 Cour suprême, 8 novembre 2011, LJN: BR6598


Bosnie-Herzégovine
Historique
Jusqu’en avril 1992, la Bosnie-Herzégovine fait partie de la République de
Yougoslavie. Suite à un referendum sur l’indépendance, la guerre civile éclate. Trois
parties s’opposent : Croates bosniens, musulmans bosniens (bosniaques) et Serbes
bosniens. Durant ce conflit, toutes les parties se rendent coupables de plusieurs
crimes. En novembre 1995, la signature des Accords de Dayton met fin au conflit.
Deux affaires concernant des crimes commis en Bosnie-Herzégovine ont été portées
devant les tribunaux néerlandais.
Darco K.
En l’été de 1992, en tant que membre de la milice bosno-serbe, K. aurait assassiné
deux musulmans dans les environs de Prijedor, en Bosnie-Herzégovine. En outre, il
aurait collaboré à des déportations de musulmans vers un camp de prisonniers et il
aurait commis deux tentatives de viol. En 1996, il y a un doute sur la question de
savoir si la Loi sur le droit pénal en temps de guerre s’applique aux crimes commis lors
de guerres dans lesquelles les Pays-Bas ne sont pas impliqués. En 1997, la Cour
suprême statue que les Pays-Bas disposent de juridiction universelle en matière de
crimes de guerre. K. ayant quitté les Pays-Bas avant que la Cour suprême n’ait statué,
il échappe aux poursuites pénales.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal d’Arnhem, 21 février 1996, 05/078505-95
2 Cour suprême, 22 octobre 1996, NJ 1998/462
3 Cour suprême, 11 novembre 1997, NJ 1998/463
Senad A.
Le 13 mars 2007, les Pays-Bas reçoivent une requête d’extradition de la part de la
Bosnie-Herzégovine concernant Senad A. La Bosnie-Herzégovine souhaite engager
des poursuites à son encontre pour cause d’implication dans des crimes de guerre. Il
est suspecté d’avoir assassiné, en tant que membre de la « Défense populaire de la
Province autonome », un prisonnier de guerre à Velika Kladusa, en 1993. Le 22 avril
2010, le juge des référés déclare fondée la décision d’extrader Senad A. à la Bosnie-
Herzégovine. En mai 2011, il est condamné en Bosnie-Herzégovine à une peine de
prison de huit ans, condamnation confirmée en novembre 2011 par la Haute Cour de
Justice de la Fédération de Bosnie-Herzégovine.
Décisions judiciaires concernant la décision d’extradition :
1 Tribunal de La Haye, 5 juin 2009, LJN:BI7753
2 Tribunal de La Haye, 22 avril 2010, LJN: BM2047
République démocratique du Congo (RDC)
Historique
Constituée en 1960, la République du Zaïre se retrouve sous la houlette du président
Mobutu en 1965. Au début des années 1990, la résistance contre le pouvoir absolu de
Mobutu s’amplifie et des troubles ethniques surgissent, lesquels s’aggravent suite au
génocide qui ravage le Rwanda voisin. En mai 1997, Mobutu est destitué et la
République du Zaïre se transforme en République démocratique du Congo.
Une seule affaire concernant des crimes commis en République du Zaïre (l’actuel
RDC) a été portée devant un tribunal néerlandais.
Sébastien N.
« La victime a été emmenée par ces gardes du corps vers le terrain de la Garde civile,
où elle a été enfermée dans une cellule puis systématiquement torturée durant
plusieurs jours sur ordre du suspect. La victime, presque complètement dévêtue, a été
battue à l’aide d’une cordelette et servait – selon ses propres dires – de punching-ball
pour les gardes du corps. Le suspect a regardé le spectacle depuis son balcon. »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Sébastien N.)
Sébastien N. était commandant de la Garde civile à l’époque du régime de Mobutu. En
1998, N. demande l’asile aux Pays-Bas, qui lui est refusé sur pied de l’article 1F de la
Convention relative au statut des réfugiés. Selon certaines indications, il aurait été
impliqué dans la commission de crimes internationaux. Après la réception du dossier
1F, une enquête pénale est ouverte à son encontre. Presque simultanément, une
victime domiciliée aux Pays-Bas porte plainte contre Sébastien N. pour cause de
torture. La victime reconnaît dans N. le « Roi des bêtes ». Au cours de l’enquête
ouverte suite à cette première plainte, une deuxième plainte est reçue de la part d’une
femme qui reconnaît N. du temps de sa captivité. Le 26 septembre 2003, N. est arrêté
suspect de torture. Le 7 avril 2004, le Tribunal de Rotterdam déclare N. coupable
d’être le coauteur d’actes de torture commis en 1996 et le condamne à une peine de
prison de deux ans et six mois.
Irak
Historique
En 1979, Saddam Hussein prend la direction du parti politique Baas. La résistance
intérieure est brutalement réprimée. Victimes principales de l’oppression et des
poursuites, les Kurdes et les chiites se révoltent ouvertement. Concomitamment à
cette lutte intérieure, Saddam Hussein fait la guerre aux pays voisins. Entre septembre
1980 et août 1988, l’Irak fait la guerre à l’Iran puis, le 2 août 1990, il envahit le Koweït
voisin. Durant tout le régime de Saddam Hussein, les exactions commises par les
autorités causent la mort ou la disparition de plusieurs milliers de personnes.
Une seule affaire concernant des crimes commis en Irak a été portée devant un
tribunal néerlandais.
Frans van A.
« En entrant dans la ville de Halabja, j’ai vu beaucoup de corps. J’ai vu beaucoup de
voitures remplies de corps. (…) J’ai vu que le visage de ma fille était plein d’ampoules.
Sa peau avait changé de couleur. J’ai vu de l’écume et du sang qui sortaient de sa
bouche. Ensuite j’ai vu mon père, qui tenait mon fils dans les bras. Mon père, ma mère
et mes deux enfants étaient tous décédés. (…) Dans les abris souterrains, j’ai vu des
centaines de corps. (…) En fait, il n’y avait que des victimes civiles. (…) Mes enfants,
mon père et ma mère avaient la peau rouge et ils avaient des ampoules rouges, mais
les corps qui gisaient un peu plus loin dans la rue avaient des brûlures graves et
quelques-uns étaient carbonisés. »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Frans van A.)
Le Néerlandais Frans van A. était impliqué en tant qu’homme d’affaires dans les
livraisons du produit thiodiglycol (TDG) à l’Irak de Saddam Hussein. Le TDG livré par
Van A. est un produit qui est utilisé pour la production de gaz moutarde. Ce gaz a été
utilisé par Saddam Hussein lors de plusieurs attaques contre la population kurde d’Iran
et d’Irak. L’enquête à l’encontre de Van A. est ouverte fin 2003 suite à une émission de
télévision sur Van A. Arrêté en décembre 2004, Van A. est condamné en décembre
2005 à une peine de prison de quinze ans pour complicité de crimes de guerre, mais il
est acquitté de la complicité de génocide qui lui est imputée. Augmentée à dix-sept ans
de prison en appel, sa condamnation est maintenue par la Cour suprême, avec six
mois de déduction.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 23 décembre 2005, LJN AV6353
2 Cour d’appel de La Haye, 9 mai 2007, LJN BA4676
3 Cour suprême, 30 juin 2009, LJN BG 4882
Croatie
Historique
Faisant partie de la République de Yougoslavie, la Croatie se proclame indépendante
en 1991. Cette proclamation d’indépendance donne naissance aux premiers combats
entre les troupes croates et l’armée yougoslave. Entre 1992 et mai 1995, les combats
sont acharnés, surtout dans la province croate de Krajina, où l’armée yougoslave
s’oppose aux Croates.
Une seule affaire concernant des crimes de guerre commis en Croatie a été portée
devant un tribunal néerlandais.
Ranko Š.
Ranko Š. était président d’arrondissement à Bapska, ville croate frontalière à la Serbie.
En cette qualité, il a forcé des hommes croates à quitter la ville. Le 10 décembre 2004,
le Tribunal de Vukovar (Croatie) le condamne par contumace pour crimes de guerre.
Le 26 mars 2008, la Croatie demande son extradition. Chargé de l’examen de cette
demande, le Tribunal de Leeuwarden, considérant que Š. avait été condamné pour
des crimes qui ne constituent pas des faits punissables aux Pays-Bas, conclut à
l’inadmissibilité de l’extradition pour cause d’incomplétude du dossier. Le 12 novembre
2008, les autorités croates présentent une nouvelle demande d’extradition, laquelle
sera elle aussi rejetée, le 22 avril 2009, les circonstances n’ayant pas changé
entretemps. Le Tribunal estime alors qu’il n’est en outre pas admissible de rouvrir un
dossier fermé plutôt que d’interjeter appel. Cependant, le 25 octobre 2011, estimant
que les circonstances avaient bel et bien changé, la Cour suprême annule le jugement
du tribunal.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de Leeuwarden, 3 septembre 2008
2 Tribunal de Leeuwarden, 22 avril 2009
3 Cour suprême, 25 octobre 2011, LJN BT2515
Libéria
Historique
Situé sur la côte ouest de l’Afrique, le Libéria est la république la plus ancienne du
continent. Suite à un coup d’État commis en 1980, le pays devient la proie d’une
guerre civile à la fin des années 80 et au début des années 90. Après l’intervention
internationale de 1997 qui réinstaure un calme fragile, Charles Taylor se saisit du
pouvoir. Entre 1999 et 2003, le pays s’enflamme de nouveau.
Une seule affaire concernant des crimes de guerre commis au Libéria entre 2001 et
2003 a été portée devant un tribunal néerlandais.
Guus K.
« La société OTC introduisait illégalement des armes au Liberia. Les armes entraient
par le port de Buchanan. Ensuite, elles étaient transportées à Monrovia, à la maison
de Charles Taylor dite White Flower. J’ai été présent plusieurs fois lors de la répartition
des armes. OTC introduisait ces armes en échange de bois vendu à prix modique. (…)
Les transports d’armes se faisaient en cachette parce que la communauté
internationale avaient décrété un embargo sur l’exportation d’armes vers le Libéria.
C’est le suspect qui introduisait les armes. »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Guus K.)
Le Néerlandais K. était actif comme homme d’affaires dans l’industrie du bois au
Libéria. En février 2004, suite à la publication dans les années précédentes de
plusieurs rapports et de reportages sur le trafic d’armes au Libéria, une enquête est
ouverte à son encontre. Dans ces publications, le nom de K. est évoqué à plusieurs
reprises. Il est soupçonné d’être impliqué dans le trafic d’armes international et d’avoir
participé aux crimes de guerre commis par les troupes et les milices libériennes. En
juin 2006, le tribunal condamne K. pour cause de violations répétées de la législation
en matière des sanctions, mais l’acquitte de la participation aux crimes de guerre. La
Cour d’appel de La Haye l’acquitte de tous les chefs d’accusation mais, suite à
l’annulation de cet arrêt par la Cour suprême, l’affaire sera renvoyée à la Cour d’appel
de Bois-le-Duc pour réexamen.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 7 juin 2006, LJN AX7098
2 Cour d’appel de La Haye, 10 mars 2008, LJN BC6068
3 Cour suprême, 20 avril 2010, LJN BK8132
Rwanda
Historique
Le 6 avril 1994, lors de la préparation de l’atterrissage sur l’aéroport de Kigali, l’avion
transportant le président rwandais Juvénal Habyarimana et son homologue burundais
Cyprien Ntaryamira est abattu. Les deux présidents périssent. Dans les années
précédentes déjà, plusieurs incidents violents étaient intervenus entre hutus et tutsis,
les deux principales ethnies du Rwanda. L’abattement de l’avion présidentiel marque
le début du génocide qui, en moins de trois mois, fait quelque 800 000 victimes,
majoritairement des tutsis et des hutus modérés. Les imposantes atrocités sont
ouvertement encouragées par les autorités, notamment au moyen d’une propagande
de haine diffusée sur les ondes de la chaîne de radio RTLM. En juillet 1994, le Front
patriotique rwandais (FPR), l’armée tutsie du général Paul Kagame, met fin au
génocide.
Trois affaires concernant le génocide, les crimes de guerre et les tortures commis au
Rwanda en 1994 ont été portées devant un tribunal néerlandais.
Yvonne N.
Arrivée aux Pays-Bas en 1998 dans le cadre d’un regroupement familial, Yvonne N.
acquiert la nationalité néerlandaise en 2004. Elle est soupçonnée d’avoir été, entre
1990 et 1994, une extrémiste en vue dans son quartier de Kigali et d’avoir créé, avec
d’autres extrémistes de son voisinage, une milice qui a été responsable d’assassinats
et d’autres crimes commis à l’encontre de tutsis et de hutus modérés. En juin 2010,
Yvonne N. est arrêtée dans son domicile Reuver.
Le 1er mars 2013, le Tribunal de La Haye condamne Yvonne N. pour incitation au
génocide. Le Tribunal conclut qu’Yvonne N. a recruté des jeunes défavorisés et les a
incités au génocide des tutsis de son quartier dans l’intention d’exterminer les tutsis
dans son voisinage. Il estime que l’incitation a constitué un maillon important dans les
événements qui ont abouti au génocide et lui inflige une peine de prison de six ans et
huit mois, peine maximale pouvant être infligée pour des faits de cette nature commis
en 1994. À l’heure actuelle, la peine maximale pour ce type de crime est de trente ans
de prison. Aucun appel n’a été interjeté contre le jugement du tribunal.
Décision judiciaire :
1 Tribunal de La Haye, 1er mars 2013, LJN BZ4292
Joseph M.
« Je suis incapable de continuer à parler de ce qui est arrivé. C’était tellement terrible.
Si je vous raconte ce qui s’est passé, je revis tout. (…) Ça fait maintenant plus de
douze ans que le génocide a eu lieu. La vie a continué, mais depuis le génocide, je
n’ai plus jamais été joyeux. J’y repense tous les jours. Là où je vais et où je connais
des gens, il n’y a plus personne en vie. Je me sens un prisonnier. Mes amis ne sont
plus là. Mes collègues ne sont plus là, ni mes voisins, des gens de mon âge. Ils ne
sont plus là. Autrefois nous étions heureux ensemble. Mais maintenant tout le monde
est mort. »
(Fragment d’un témoignage dans l’affaire Joseph M.)
En 1998, Joseph M. demande l’asile aux Pays-Bas, qui lui est refusé sur pied de
l’article 1F de la Convention relative au statut des réfugiés. Le Service d’immigration et
de naturalisation le soupçonne d’avoir joué avec son frère un rôle important dans les
violences commises lors d’un barrage de route dans sa ville. L’enquête pénale qui est
ouverte révèle que M., qui a suivi une formation supérieure, a été activement impliqué
dans la commission d’atrocités dans sa région lors du génocide de 1994. Ainsi il aurait
participé au massacre de plusieurs centaines de personnes qui s’étaient réfugiées
dans un complexe hospitalier. De même, il aurait été impliqué dans l’assassinat de
deux mères et de leurs enfants en bas âge qui tentaient de s’enfuir à bord d’une
ambulance. Le 7 août 2006, M. est arrêté à Amsterdam.
En premier ressort, Joseph M. est condamné à une peine de prison de vingt ans, peine
augmentée en appel à la réclusion perpétuelle. C’est la première condamnation à la
réclusion perpétuelle obtenue grâce aux efforts de l’équipe. La Cour d’appel a
considéré qu’il s’agit de « crimes qui sont à compter parmi les plus graves jugés par un
juge pénal néerlandais depuis la Deuxième Guerre mondiale ».
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 23 mars 2009, LJN BI2444
2 Cour d’appel de La Haye, 7 juillet 2011, LJN BR0686
Ephrem S.
En 1994, Ephrem S. était colonel de l’armée rwandaise. En cette qualité, il
commandait les personnels de l’armée rwandaise, la garde présidentielle et les milices
Interahamwe et Amahindure. Auprès du Tribunal pénal international pour le Rwanda,
une plainte avait été déposée à l’encontre d’Ephrem S. pour incitation au génocide,
crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Suite à la demande d’extradition émise
par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, Ephrem S. est arrêté à Amsterdam,
le 25 février 2004. Le 11 mai 2004, il est extradé. Le 25 février 2012, le Tribunal pénal
international pour le Rwanda condamne Ephrem S. à une peine de prison de vingt-cinq
ans pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre, laquelle
condamnation est confirmée en appel.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 11 mai 2004, dossier no UTL-I-2004.004.402.
2 TPIR, Chambre de première instance I, Ephrem Setako, 25 février 2010,
dossier no ICTR-04-81-T, consultable sur http://www.ictr.org.
3 TPIR, Chambre d’appel, Ephrem Setako, 28 septembre 2011, dossier
no ICTR-04-81-A, consultable sur http://www.ictr.org.
Michel B.
Le 13 avril 2007, la Chambre de première instance du Tribunal pénal international pour
le Rwanda transfère aux autorités néerlandaises la poursuite pénale à l’encontre de
Michel B., qui est domicilié aux Pays-Bas. Jusqu’en juillet 1994, B. avait été le
directeur général d’OCIR-Thé, organisme public gérant onze usines théières au
Rwanda. Il aurait été un membre notable de la milice hutue locale qui a joué un rôle
important dans les atrocités commises lors du génocide rwandais. Le procureur du
Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) accusait B. de participation au
génocide et à des crimes de guerre.
Le 27 juillet 2007, le Tribunal de La Haye statue que la Loi sur les crimes
internationaux n’a pas d’effet rétroactif. Cela implique que les Pays-Bas n’ont pas de
juridiction pour ce qui est du crime de génocide imputé à Michel B. La Loi de mise en
oeuvre de la Convention contre le génocide, en vigueur à ce moment-là, ne prévoyant
aucune juridiction universelle pour les crimes de génocide, B., en tant que non-
Néerlandais, ne peut pas être poursuivi pour génocide. Cela amène le procureur du
TPIR à présenter une requête en vue de permettre tout de même la poursuite pénale
de Michel B. devant le TPIR, laquelle requête est agréée. Le 5 novembre 2009, le
TPIR condamne Michel B. à une peine de prison de huit ans pour complicité de
génocide.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 21 mars 2008, LJN: BC7362
2 Pour l’affaire à l’encontre de Michel B. auprès du TPIR : Le Procureur c/
Michel Bagaragaza, dossier no ICTR-2005-86-S, consultable sur www.ictr.org
Simon B.
En 2000, Simon B. demande l’asile aux Pays-Bas. Le 9 juillet 2001, le soupçonnant
d’implication dans des actes de génocide et des crimes contre l’humanité, le Tribunal
pénal international pour le Rwanda sollicite les Pays-Bas de l’arrêter. Au Rwanda, il
était un chansonner populaire dont les chansons passaient souvent sur les antennes
de Radiotélévision Libre des Milles Collines. Ses chansons respiraient une
propagande anti-tutsie prononcée.
Le 12 juillet 2001, il est arrêté à Leyde sur pied de la demande d’extradition. Dans une
tentative de s’opposer à son extradition, il intente un procès en référé, mais le tribunal
considère l’extradition admissible. Il est transféré au Tribunal pénal international pour
le Rwanda, qui le condamne, le 2 décembre 2008, à une peine de prison de quinze
ans pour « incitation directe et publique à la commission de génocide », laquelle
condamnation sera intégralement confirmée en appel.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 14 février 2002, LJN:AD9260
2 TPIR, Chambre de première instance III, Simon Bikindi, 2 décembre 2008,
dossier no ICTR-01-72-T, consultable sur www.ictr.org
Sri Lanka
Historique
Après l’accession à l’indépendance du Sri Lanka en 1948, le nouveau gouvernement,
dominé par les Cingalais ethniques, prend un certain nombre de mesures visant à
avantager la fraction cingalaise de la population. Cependant, celles-ci donnent
naissance à des tensions ethniques entre Tamouls et Cingalais et, dans les années
70, alimentent, auprès de certains groupes tamouls, l’aspiration à créer un État
indépendant au nord et à l’est du Sri Lanka. Certaines organisations croient pouvoir y
parvenir par la voie de la violence. L’une d’entre elles est le mouvement des Tigres de
libération de l’Îlam tamoul (Liberation Tigers of Tamil Eelam – LTTE), créé en 1976.
Dès leur fondation, les LTTE se voient attribuer des actions violentes, y compris des
attentats et des liquidations. À partir de 1990, les LTTE acquièrent « leur » territoire au
Nord-est du Sri Lanka, où ils s’arrogent les fonctions d’une autorité publique. Ils
disposent d’une armée, d’une police, d’une justice et d’un régime fiscal leur permettant
de financer la lutte armée contre l’armée sri lankais. Pour boucler leurs besoins
financiers, ils font en outre appel aux Tamouls dispersés aux quatre coins du monde.
Début 2009, les Tigres tamouls sont battus par l’armée gouvernementale du Sri Lanka.
En l’été de 2009, leur nouveau leader annonce que le mouvement indépendantiste
continuera ses activités. En 2006, l’Union européenne a inscrit les LTTE sur la liste
d’organisations terroristes.
Une seule affaire à l’encontre de cinq personnes et relative aux activités des LTTE a
été portée devant un tribunal néerlandais.
Thiruna E., Joseph M.J., Srirangan R., Ramachandran S. et Lingaratnam T.
En 2008, suite à la réception de renseignements fournis par les Services de
renseignement et de sécurité néerlandais (AIVD), le Service national de police
judiciaire de l’époque ouvre une enquête étendue sur les activités des Tigres tamouls
aux Pays-Bas. Les noms de Thiruna E., Joseph M.J., Srirangan R., Ramachandran S.
et Lingaratnam T. surgissent comme étant les leaders de différentes organisations
tamoules actives sur le territoire néerlandais. Ces organisations jouent un rôle au sein
du réseau international des LTTE. Lesdites personnes sont soupçonnés d’avoir
collecté des fonds au bénéfice des LTTE par voie de collectes, de quêtes, de la vente
de DVD et de l’organisation de loteries illégales.
En octobre 2011, le Tribunal de La Haye condamne les cinq personnes pour avoir
assumé aux Pays-Bas des fonctions dirigeantes au sein d’une organisation criminelle
déployant des activités pour les LTTE. Elles sont jugées coupables d’extorsion de
paiements, de violation de la Loi sur les jeux de hasard, de la Loi sur les sanctions et
du règlement sur les sanctions antiterroristes, ainsi que de blanchiment d’argent. Les
cinq personnes sont condamnées à des peines de prison d’entre deux et six ans.
Aussi bien la défense que le Ministère public interjettent appel auprès de la Cour
d’appel de La Haye, qui examinera le dossier en septembre et octobre 2013.
Décisions judiciaires :
1 Tribunal de La Haye, 21 octobre 2011, LJN: BT8829
2 Tribunal de La Haye, 21 octobre 2011, LJN: BU2066
Autres affaires
D’autres dossiers, une fois examinés, n’ont pas donné lieu à des poursuites pénales,
dont celui établi suite à l’enquête sur l’éventuelle implication de quelques Néerlandais
dans des crimes de guerre commis en Croatie au début des années 1990.
Un autre exemple est l’enquête sur une entreprise néerlandaise qui avait fourni des
matériaux destinés à la construction de la barrière de séparation et d’une colonie
israélienne en Cisjordanie. Cette enquête avait été ouverte suite à une plainte déposée
par l’organisation des droits de l’homme Al Haq.
Glossaire
Article 1F de la Convention relative au statut des réfugiés
Aux termes de l’article 1F de la Convention relative au statut des réfugiés, certains
réfugiés sont exclus du droit de protection. Les personnes dont on aura des raisons
sérieuses de penser qu’elles ont commis, en dehors du pays d’accueil, un crime contre
la paix, un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un autre crime non-politique,
ou qu’elles ont commis des agissements contraires aux buts et aux principes des
Nations unies, sont exclus du droit d’asile et peuvent, en principe, être renvoyées à
leur pays d’origine.
Convention contre la torture
La Convention contre la torture interdit la torture et autres peines et traitements cruels,
inhumains ou dégradants. Les parties signataires s’obligent à empêcher la torture et à
poursuivre et à punir ceux qui s’en rendent coupables, ce qui, aux Pays-Bas, se fait
aux termes de la Loi de mise en oeuvre de la Convention contre la torture et de la Loi
sur les crimes internationaux.
Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
Aux termes de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(CPRCG), signée le 9 décembre 1948, le génocide est un crime de droit international.
Le but de la convention est de prévenir le génocide et de punir les personnes
responsables de génocide. Aux Pays-Bas, l’application de la convention est prévue par
la Loi de mise en oeuvre de la Convention contre le génocide.
Référé
Procédure civile accélérée pour les cas qui ne souffrent pas l’attente du résultat d’une
procédure normale.
Prisonnier de guerre
Un prisonnier de guerre est un combattant tombé entre les mains d’une puissance
ennemie. Aux termes du droit de guerre humanitaire, les prisonniers de guerre
jouissent du droit de protection et doivent être traités selon certains critères. Ces droits
sont consignés notamment dans la Convention de Genève relative au traitement des
prisionniers de guerre de 1949 (Troisième Convention de Genève).
Juridiction
La compétence d’un juge pour statuer sur une affaire. Les tribunaux néerlandais ne
peuvent pas statuer sur les affaires pénales pour lesquelles les Pays-Bas n’ont pas la
juridiction. Ainsi, le juge néerlandais n’a pas de juridiction pour les crimes contre
l’humanité commis avant le 3 octobre 2003, date d’entrée en vigueur de la Loi sur les
crimes internationaux.
Suspicion
Une présomption raisonnable de culpabilité à l’égard d’une personne objet
d’indications d’avoir commis un fait punissable.
Loi sur les crimes internationaux
Aux termes de la Loi sur les crimes internationaux, entrée en vigueur le 1er octobre
2003, les Pays-Bas ont la juridiction en matière de génocide, de crimes contre
l’humanité et de crimes de guerre.
Loi sur le droit pénal en temps de guerre
Entrée en vigueur dès 1952, la Loi sur le droit pénal en temps de guerre pénalise les
crimes de guerre. Depuis 2003, les crimes de guerre relèvent de la Loi sur les crimes
internationaux. Cette dernière étant dépourvue de rétroactivité, les crimes de guerre
commis avant le 1er octobre 2003 sont poursuivis au titre de la Loi sur le droit pénal en
temps de guerre.